REVUE DE WEB JUILLET

REVUE DE WEB JUILLET

Le journalisme scientifique, la conversation, les risques liés aux réseaux sociaux et la communication d’un dirigeant : voici les mots clés de cette revue de web en plein été.

Du journaliste scientifique à la conversation

La crise liée au Coronavirus n’a pas augmenté le traitement médiatique des sciences et les effectifs des journalistes scientifiques. Xavier Eutrope, journaliste à La Revue des médias a constaté que l’épidémie de Covid-19 a occupé en moyenne près de 74 % de temps d’antenne sur les chaînes d’information en continu pendant les deux mois de confinement. Cette crise a bouleversé l’organisation, des conditions de travail et de la production de l’information.

Afin d’enquêter sur l’avenir du journalisme scientifique, Xavier Eutrope a interrogé Nicolas Martin, producteur et animateur de La Méthode scientifique qui a eu, pendant plus de deux mois, une chronique quotidienne consacrée à l’épidémie dans la matinale de France Culture. Celui-ci a trouvé qu’une grande partie des médias n’ont mis en avant que les faits qui confortaient leur opinion.

Hélène Romeyer, professeure à l’université de Bourgogne-Franche Comté et spécialiste de la médiatisation des questions de santé, souligne, quant à elle, que la place de l’information proprement scientifique sur la pandémie a disparu progressivement au profit des questions politiques et économiques qu’elle soulevait Ainsi, le discours « alarmiste » est devenue une approche plus prudente, avec « un emploi plus régulier du conditionnel ». Mais cette crise a montré les tensions entre les logiques scientifiques et médiatiques.

En outre, la journaliste santé chez TF1, Caroline Bayle raconte comme il a été difficile de couvrir cette épidémie : « Nous devions avancer à chaque fois, jour par jour et parfois heure par heure, en mettant des bémols dans nos sujets. » Les journalistes ont été, en effet, confrontés à plusieurs obstacles. Le premier obstacle est la différence fondamentale entre le temps scientifique et le temps médiatique. Une autre difficulté a été de dénicher de nouveaux experts, spécialisés en santé, pendant une période où beaucoup étaient dans les hôpitaux.

Par ailleurs, Yves Sciama, président de l’Association des journalistes scientifiques de la presse d’information (AJSPI), a noté une « différence notable dans la qualité du traitement des sujets » entre les journalistes dits « scientifiques » et les autres. La valeur ajoutée des journalistes scientifiques est d’avoir la culture, les démarches et les réflexes pour garantir une information de qualité.

Il existe, en effet, des pièges dans le journalisme scientifique : la complexité et le jargon des études, dont les mécanismes de publication sont parfois difficiles à saisir pour le profane. Ainsi, le site de prépublication bioRxiv a décidé de signaler que les résultats présentés dans les articles disponibles sur cette plateforme n’étaient que « préliminaires », n’avaient pas été validés par les pairs, et donc qu’ils ne devaient pas être « diffusés dans les médias comme des informations solides ». Autre piège : les conflits d’intérêts ou rivalités éventuels entre institutions ou disciplines.

Selon Yves Sciama, ancien professeur de biologie, un « journaliste scientifique de qualité » n’a pas besoin d’avoir effectué des études supérieures scientifiques mais il doit se faire un réseau de chercheurs fiables et cela prend du temps. S’il est possible de se former « sur le tas », il existe en France de rares formations en journalisme scientifique : l’ESJ Lille et l’université de Paris (fusion des universités de Paris-Diderot et Paris-Descartes) en proposent chacune une, respectivement depuis les années 1990 et 1980.

Enfin, le président de l’AJSPI souligne un paradoxe : alors que nombreux grands sujets qui ont émergé ces dernières années sont liés aux sciences comme le dérèglement climatique, la protection de l’environnement, les pesticides —, les médias ne se sont pas dotés de compétences sur ces enjeux.

Toutes ces sujets scientifiques entraînent des vives discussions. Roxane Bertrand, chargée de recherche CNRS, Linguiste, Analyse des Interactions et Noël Nguyen, Professeur à l’Aix-Marseille Université (AMU) ont décortiqué le processus de la conversation pour le site The Conversation. Si la communication écrite se développe considérablement à l’heure d’Internet, des smartphones et des réseaux sociaux, la conversation orale reste le support privilégié des échanges dès les premières années de la vie, et dans toutes les sociétés humaines.

Dans la plupart des cas, l’objectif premier est de s’engager dans ce mode particulier d’être avec autrui. De récentes études effectuées sur des corpus de parole conversationnelle, ont montré la faible richesse de ces échanges sur le plan informationnel. « mh », « ah », ou « voilà », figurent parmi des formes les plus fréquemment produites par les locuteurs.

L’orchestration d’une conversation est liée à l’agencement des énoncés et notamment au caractère linéaire. Chaque énoncé possède un début, un milieu et une fin, et l’interlocuteur doit traiter les différents éléments de l’énoncé au fur et à mesure. Les conversations sont ainsi organisées sous une forme qui reflète la structure du langage lui-même. Une conversation se présente souvent comme un exercice de libre association pratiqué à deux ou à plusieurs. Son déroulement est rarement prévisible mais il existe un système bien établi de règles de construction.

Par ailleurs, tous les échanges sont le résultat d’efforts de coopération visant à suivre une ligne commune afin d’atteindre certains objectifs : un bref échange de salutations ou une réelle conversation. Harvey Sacks et ses collègues ont trouvé l’organisation qui sous-tend l’alternance de parole. Une seule personne parle à la fois, selon le schéma ABABAB (A et B : les deux locuteurs). La durée des intervalles entre tours est minimisée (principe « no gap »), tout comme celle des chevauchements entre tours (principe « no overlap »).

Ce modèle rend compte des techniques d’allocation des tours et des lieux possibles de transition de parole. Un locuteur peut ainsi sélectionner le locuteur du tour suivant en lui adressant une question. Mais son interlocuteur doit y répondre. La réponse forme avec la question une paire adjacente : le premier élément de la paire appelle, ou projette, un type d’énoncé spécifique (le second élément). Ce pouvoir projectif au sein des paires adjacentes suit une organisation préférentielle selon laquelle, parmi les différentes suites pouvant être choisies par le locuteur B, il en est une que le locuteur A préfère aux autres.

En outre, l’organisation préférentielle facilite la poursuite du discours et augmente la coopération, en diminuant les conflits. Dans ces paires adjacentes, le second élément se place après la fin du premier. De manière plus générale, le locuteur B prend le tour en des lieux de transition pertinents.

Lors de la conversation, nous cherchons dans le discours de l’autre les éléments qui nous permettront de réagir de façon appropriée. Selon certaines études, un délai de 100 à 300 ms serait la règle entre les tours de parole. Or il faut en moyenne 600 ms pour produire un mot (de l’intention de produire ce mot, à sa prononciation). Nous sommes si rapides dans l’enchaînement entre tours car nous préparons le tour d’après pendant celui de notre interlocuteur, dont nous pouvons prédire la fin, grâce à différents indices de projection (syntaxique, prosodique, mimogestuel, etc.).

D’autres signes explicites renvoient aux « mh », « ok », mouvements de tête ou de sourcils qui accompagnent nos conversations. De plus en plus d’études soulignent leur rôle crucial pour favoriser la compréhension mutuelle entre les locuteurs. Outre leurs fonctions d’acquiescement ou d’évaluation de l’énoncé précédent, ils ont également une répercussion sur l’énoncé suivant.

Quand on raconte une histoire, ce qui est une activité très fréquente en conversation et qui place l’interlocuteur en situation d’écoute, notre récit est de meilleure qualité si l’interlocuteur participe activement, via ses différents feedbacks, à son élaboration. En outre, un froncement de sourcil signifie une incompréhension qui rompt ponctuellement la progressivité du discours. Ce mouvement de sourcil axe ainsi le discours vers une trajectoire interactionnelle spécifique de réparation du trouble qui permettra à l’interlocuteur de raccrocher pour que l’interaction se déroule avec succès.

Risque et dirigeant

Les réseaux sociaux peuvent être un lieu de discussion et est une source pour l’intelligence économique. Jade Friggeri, rédactrice sur le portail de l’intelligence économique, explique que l’intelligence économique peut être analysée avec différents angles : veille, influence et protection. Une entité fait de la veille, utilise l’information collectée comme outil d’influence et protège ses propres informations de ses adversaires.

La veille est effectuée couramment dans le monde professionnel et est réalisé à travers les médias traditionnels, les réseaux sociaux, les salons, etc. Son objectif : identifier des « signaux faibles » afin de développer une stratégie.

La protection est, quant à elle, souvent envisagée au travers de la sécurité des systèmes d’information, au détriment des autres possibilités. Mais il ne faut pas écarter le rôle de l’humain dans la fuite d’information et notamment sur les réseaux sociaux. Les profils Twitter ou LinkedIn des collaborateurs sont privés et donc couverts par la liberté d’expression, l’entreprise perd ainsi une part de contrôle et s’expose aux attaques.

Deux risques peuvent alors se présenter et entraîner des conséquences sur la pérennité de l’entreprise. Le premier risque lié aux réseaux sociaux privés des collaborateurs est le risque de veille, où des concurrents trouveraient des signaux faibles pour déstabiliser des partenariats en cours, capter un client, copier un produit… Quant au deuxième risque majeur, il est réputationnel si le comportement d’un employé (comme des propos racistes, misogynes…) est considéré comme un reflet de l’entreprise et lui est donc reproché.

Selon le niveau hiérarchique de la source et la confidentialité des informations, les actions pour prévenir le risque varient. Deux cas de figure peuvent se présenter : la source est un décideur ou un salarié.

Par sa situation de décideur, le cadre a accès à des informations sensibles qui, si elles étaient partagées, pourraient menacer la pérennité de l’entreprise. il peut ne pas se rendre compte qu’il doit s’assurer de protéger les données et, sans réfléchir, les rendre accessibles. Afin de diminuer les risques, certaines entreprises américaines interdisent l’utilisation de réseaux sociaux aux voyageurs d’affaires. Mais la meilleure solution est donc la sensibilisation des collaborateurs à une utilisation adaptée de ces derniers avec des formations régulières. Les autres salariés peuvent aussi être sources de fuites.

Généralement, une entreprise communique au travers de communiqués de presse et sur ses comptes de réseaux sociaux. Les employés sont libres d’interagir avec ce contenu. En revanche, d’autres entreprises, impliquent leurs salariés dans la communication. Ils sont sollicités pour publier des annonces, partager des nouvelles, inviter à des conférences etc. Dans la mesure où ils sont utilisés en tant que porte-paroles de l’entreprise, celle-ci devient, aux yeux du grand public, responsable de leurs propos. Il est alors important de former tous les collaborateurs.

En période de crise, communiquer de manière claire est plus important et difficile qu’en temps normal. L’auteure d’un article sur le site Internet de HBR France et PDG d’une société, Nancy Duarte, témoigne de son expérience de travail sur des milliers de discours de dirigeants de marques très connues : « Quand les enjeux sont de taille, la plupart de nos clients viennent nous voir en sachant déjà ce qui doit advenir (le quoi) et la façon dont ce changement sera mis en œuvre (le comment), mais il est rare qu’ils aient répondu à la question du pourquoi ? »

Selon Nancy Duarte, les communicants omettent souvent de répondre à la question du pourquoi essentiellement pour deux raisons. La première : ils estiment qu’expliquer le quoi et le comment est la façon la plus rapide d’influer sur leur audience. La seconde : ils pensent que la réponse au pourquoi est tellement évidente qu’elle ne nécessite pas d’explication.

L’auteure propose donc trois stratégies pour contribuer à faire émerger le cœur du pourquoi dans une présentation de dirigeant. Il suffit de se poser quelques questions choisies sur le « quoi » : quelles en seront les conséquences de ces actions ? A quoi ressemblera le futur si ce projet est mené à bien ? En quoi la condition humaine sera-t-elle affectée par une action ou, au contraire, une inaction ? Elle conseille aussi de solliciter quelqu’un qui vous demandera « et alors ? » avec comme objectif de remonter à la racine du « pourquoi ». De plus, il faut clairement formuler. Réfléchir à l’action qu’on veut que son audience entreprenne et on doit ajouter un « parce que » à la suite.

Pour contrecarrer les sceptiques, il faut expliquer pourquoi certaines options ont été éliminées. Une transparence sur les idées montrera qu’on a pensé à tout. Répondre au pourquoi révèle une empathie et les communications deviennent alors plus convaincantes.