REVUE DE WEB AOUT

REVUE DE WEB AOUT

L’influence du coronavirus sur les médias, la couverture médiatique du climat par le New York Times et l’art de la persuasion : voici le programme de cette revue de presse estivale.

De l’information en ligne aux médias régionaux

Le coronavirus a eu des effets bénéfiques sur l’information. Diana Liu, chercheuse du MediaLab de France Télévisions, révèle sur le blog Meta-media que selon le Digital News Report 2020, le rapport annuel du Reuters Institute a montré que la pandémie a influencé de façon positive la confiance et la valeur pour les médias d’informations. Mais d’autres changements rendront le paysage médiatique plus digitalisé, plus multicanal et plus dominé par les plateformes.

L’enquête principale a été réalisée dans 40 pays en Europe, Amérique du Nord et Amérique latine, Asie et Afrique au début de l’année 2020. Des enquêtes supplémentaires ont été effectuées en avril afin de comprendre l’impact du coronavirus sur la consommation des médias dans 6 pays — le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Allemagne, l’Espagne, l’Argentine et la Corée du Sud.

La pandémie a accru de manière importante la consommation d’information dans les 6 pays. Une hausse du trafic significative sur les sites d’information en ligne, surtout pour les médias de référence.

Avant et pendant la pandémie, les sites d’information ont innové fortement avec des formats et « produits d’information » : journalisme de données, « explainers » visuels, newsletters et des podcasts. L’objectif de cette stratégie : favoriser l’abonnement (beaucoup de contenus Covid-19 étaient disponibles gratuitement). Les podcasts ont connu un succès majeur (31 % en écoutent chaque mois).

Malgré les tentatives des éditeurs de fidéliser les internautes en évitant les plateformes des GAFAs et les inquiétudes liées à la désinformation, les internautes continuent à utiliser les messageries et les réseaux sociaux afin de discuter, trouver et partager des informations sur la Covid-19. 24 % (+ 7 après la pandémie) des individus sondés durant la crise utilisent WhatsApp pour trouver et partager des informations sur le virus, et 18 % ont rejoint un groupe de soutien ou de discussion sur Facebook ou WhatsApp pour parler de la Covid-19. Pour les jeunes, Instagram, Snapchat et TikTok deviennent des plateformes importantes pour accéder aux informations sur le virus. 11 % des personnes sondées dans 12 pays s’informent avec Instagram, et 64 % des personnes ayant moins de 25 ans utilisent la plateforme régulièrement. Avec ses formats visuels innovants (stories, IGTV), Instagram est une source d’information presque aussi populaire que Twitter.

En outre, entre un tiers et la moitié des abonnements sont pour des grandes marques nationales. Dans tous les pays, la plupart des personnes qui paient pour s’informer ne s’abonnent qu’à un seul média. Toutefois, la confiance accordée aux médias à propos des informations Covid-19 était plus de deux fois supérieure à celle attribuée aux réseaux sociaux, plateformes de vidéo ou messageries.

La presse régionale a accordé une place importante à la pandémie. Pour le site Internet The Conversation, Claude Grasland, professeur de Géographie de l’Université de Paris, a constaté que dès le premier semestre 2020, l’agenda des médias de presse quotidienne a été très impacté par la crise sanitaire. Les journalistes se sont retrouvés confrontés alors à une demande importante d’information du public sur un sujet mal connu et sujet à la polémique. Plus le temps passait, plus la part d’information consacrée à d’autres sujets que la crise du Covid-19 diminuait au profit de la pandémie sur l’actualité.

Au début du mois de mars 2020, plus de la moitié des articles de presse publiés dans l’ensemble des journaux observés incluent les mots « Covid-19 » ou « coronavirus » dans la langue locale.

Par exemple, l’étude du journal Sud-Ouest au cours du mois de janvier montre la difficile émergence du sujet de la pandémie. En effet, dans les premiers jours de l’année 2020, la première inquiétude sanitaire en France concerne l’arrivée imminente de la grippe ou de la gastro-entérite liée probablement à la consommation de coquillages crus, sujet d’importance dans la première région ostréicole de France. Mais le 6 janvier dernier, le journal traite pour la première fois dans une brève de quelques lignes une « mystérieuse pneumonie » qui serait apparue dans une ville chinoise lointaine, dont le nom n’est pas précisé.

Pour comprendre l’impact de l’épidémie du coronavirus dans la presse sur le contenu des nouvelles, le professeur et son équipe a créé, à l’aide de la base de données américaine Media Cloud et des outils de recherche associés, un indicateur d’« infection sémantique » mesurant la proportion des nouvelles publiées par un journal qui comprend au moins une fois l’un des trois fragments de mots « ncov- » ou « coronav- » ou « covid- ». Cet indicateur d’infection sémantique a permis de révéler que la plupart des journaux de presse quotidienne régionale ont connu vers le milieu du mois de mars un pic brutal d’infection du contenu des nouvelles. Un taux de contamination atteignant presque toujours 50 % et pouvant même aller jusqu’à plus de 80 % certaines semaines.

Cette brutale émergence sémantique des mots désignant l’épidémie a été en fait précédée par une première oscillation conséquente au cours du mois de janvier, au début de la diffusion internationale de l’épidémie, quand l’intérêt pour la crise avait commencé à augmenter.

Mais en l’absence de preuve tangible d’un danger immédiat pour les habitants, la plupart des journaux sont revenus temporairement à d’autres sujets, tout particulièrement en Europe et en Amérique La proximité spatiale et linguistique détermine l’importance d’intérêt d’une nouvelle internationale.

Après une baisse relative au début février, le véritable traitement de l’épidémie commence avec la crise en Iran et surtout en Italie puis en Espagne. Ainsi, les journaux méditerranéens (Var Matin, Nice Matin, La Provence, L’Indépendant) figurent parmi les premiers à atteindre le pourcentage de 20 % des nouvelles infectées.

Puis la découverte du cluster de Mulhouse augmente la vitesse de la prise de conscience d’une menace imminente de restriction de la liberté de circulation. Mais le discours présidentiel annonçant le confinement déclenche le pic de croissance de la proportion d’articles infectés avec des taux de présence des termes liés à la pandémie qui atteignent des valeurs maximales.

Si environ 60 % des nouvelles de presse régionale étaient infectées par le coronavirus au début du mois d’avril, ce taux est baissé à 20 % à la fin du mois de juin.

La crise s’est manifestée par un appauvrissement important du vocabulaire lié à la concentration des nouvelles autour d’un sujet unique.

Au moment du pic d’intérêt médiatique, une récurrence d’un petit nombre de mots qui dominent dans le contenu des journaux, est observé : « cas », « masques », « confinement ». Mais le mot « coronavirus » domine tous les autres. Le retour à la normale s’opère très lentement en mai. Mais l’érosion de la domination du terme « coronavirus » s’annonce lente.

Par ailleurs, le nombre de nouvelles publiées entre avril et juin varie en général entre – 20 à – 40 % par rapport aux trois premiers mois de l’année. Cette chute se situe deux à trois semaines après le début du confinement, une fois terminée la séquence des élections municipales et épuisé le stock de « marbre », articles plus intemporels préparés à l’avance.

Le climat et la persuasion

Mais le climat continue à être un sujet médiatique. La prise de conscience mondiale des enjeux climatiques ces dernières années a entraîné un changement du traitement des thématiques climatique et environnementale par de nombreuses rédactions comme le New York Times. En début 2017, le quotidien new-yorkais a créé son service climat (climate desk), qui comporte une douzaine de reporters et de rédacteurs. Il se distingue par un traitement innovant et transversal du climat : en 2019, environ 900 articles ont abordé le climat avec des formats graphiques « explainer », des reportages d’investigation utilisant de nouvelles technologiques et des enquêtes visuelles sur les conséquences du réchauffement climatique dans le monde entier. Méta-Media a interviewé Hannah Fairfield, cheffe de rubrique Climat au New York Times. Selon la journaliste, la stratégie du journal sur le climat est « d’en révéler le plus possible sur la politique et la science du changement climatique, et de montrer la manière dont ces changements affectent toutes nos vies ».

Un autre axe du journal est la visualisation. « La personnalisation permet aux gens de voir comment le changement climatique les touche directement. Mais pour raconter le climat, une des choses les plus importantes est de le rendre visible aux gens » remarque Hannah Fairfield. Ainsi, Dataviz, réalité augmentée, imagerie aérienne par drone ou photojournalisme figurent parmi les nouvelles technologies de storytelling du quotidien. Ces innovations sont reçues avec enthousiasme par les lecteurs, qui se montrent très réceptifs aux nouvelles technologies de storytelling.

Une autre tactique consiste à contextualiser le climat en le reliant aux sujets plus pratiques tels que la nourriture. Enfin, à la suite des demandes des lecteurs, le journal a créé une rubrique consacrée aux actions concrètes avec sa newsletter Climat.

La persuasion est un art délicat à bien maîtriser. Pour le site Internet HBRFrance, Carmine Gallo, instructeur au sein du département formation des dirigeants de la faculté de design de l’université de Harvard, met en avant cinq procédés rhétoriques édictés par Aristote. L’ethos ou « le personnage » est la partie du discours, ou de la présentation, qui crédibilise le locuteur aux yeux de son auditoire. Quant au logos ou « la raison », il sert à construire son argumentaire par des faits, des données et des preuves. Pour le philosophe, la meilleure manière de transmettre de l’émotion, d’une personne à une autre, consiste à employer le procédé rhétorique de la narration. Plus le contenu est personnel, plus il séduit. Par ailleurs, les locuteurs qui maîtrisent les métaphores transforment les mots en image qui permettent aux auditeurs à mieux comprendre leurs idées, à les mémoriser et à les transmettre. Enfin, la concision est un élément primordial du discours persuasif.