REVUE DE WEB MAI

REVUE DE WEB MAI

Le traitement médiatique des épidémies et la communication autour du Covid 19 sont encore au centre de cette revue de web mensuelle.

De la grippe espagnole aux plateaux TV

Le traitement des épidémies n’évolue pas beaucoup dans la presse. Pour le site Internet de The Conversation, Nejma Omari, doctorante en littérature française à l’université Paul Valéry – Montpellier III et Antoine Doucet professeur des universités en informatique à l’Université de La Rochelle ont comparé le traitement médiatique du Covid-19 en 2020 et de la grippe espagnole au siècle dernier. Leur investigation dans les archives de presse leur ont permis de repérer des points communs entre la gestion politique des deux crises, mais aussi dans le traitement médiatique des épidémies. Les mesures préventives, les pénuries de matériel médical, communication à retardement et désinformation se trouvent également dans les colonnes des journaux il y a plus de cent ans. La sous-évaluation des risques de propagation du virus en France en avril 1918 rappelle le discours rassurant de l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn, ou les mauvaises prédictions du médecin-animateur Michel Cymès.

Si les contextes politico-médiatiques et de guerre peuvent expliquer la lente prise de conscience de la gravité du virus en 1918, 2020 est à l’heure où l’accès à l’information est considéré comme un droit fondamental et où la production journalistique autour de l’épidémie explose.

Outre les circonstances militaires, les articles qui discutent l’analogie « grippe espagnole » /Covid-19 notent une grande différence entre les deux épidémies : le contexte sanitaire. Mais les conseils sont semblables dans la presse de l’époque. Les mesures préventives recommandées par les autorités sanitaires en 2020 sont sensiblement identiques à celles trouvées dans la presse cent ans plus tôt. En l’absence de vaccin, le lavage des mains, l’isolement des malades, ou la quarantaine sont des solutions préconisées.

Quant au port du masque, il est aussi le sujet à de nombreuses discussions dans la presse à partir de la deuxième vague de grippe en octobre 1918. Malgré la recommandation de l’Académie de médecine et largement utilisé par les voisins européens et américains, cet usage rencontre des difficultés en France. En 2020, après des discussions autour de cet usage, le port d’un masque a finalement été recommandé par l’Académie de médecine début avril, et il est obligatoire pour certaines professions et dans certains lieux publics après le 11 mai 2020.

Les débats sur la nécessité de désinfecter les lieux publics ou les vertus de certains traitements ont existé aux différentes époques. En 1918, par exemple, une enquête sur l’efficacité de la quinine, utilisée pour traiter le paludisme, fait songer aux polémiques actuelles autour de la chloroquine, qui en est le substitut synthétique. Malgré les progrès médicaux et un système sanitaire considéré comme « prêt » à faire face à la crise, les mêmes insuffisances sont constatées : pénuries, manque de moyens dans les hôpitaux et mise en danger du personnel soignant en première ligne. Enfin, la pandémie de coronavirus a été gérée à l’échelle nationale, l’épidémie de grippe a été traitée à l’échelle régionale et départementale en 1918.

A la télévision et à la radio, les interventions des experts en 2020 sont préparées. Justine Rodier, journaliste, explique le rôle du programmateur pour le site Internet La Revue des médias. À la télévision, à la radio, dans les émissions et sur les chaînes d’information en continu, les invités interviennent pour faire des déclarations, témoigner, commenter ou analyser l’actualité. Leur présence en plateau résulte d’un travail assidu des programmateurs ou « attachés de production » en radio et « producer » à la télévision, à la radio, dans les émissions et sur les chaînes d’information en continu. Leurs principales missions consistent à s’informer continuellement, connaître l’actualité des futures semaines, proposer des sujets et des angles lors des conférences de rédaction, trouver les experts, effectuer des pré-interviews. Parfois, ils rédigent des fiches pour les présentateurs et présentatrices, ou effectuent le montage final d’un reportage. Si ce métier requiert une flexibilité importante et un forte capacité d’adaptation, la pandémie du Covid-19 met à l’épreuve cette exigence.

Comme le coronavirus SARS-CoV-2 est devenu le sujet principal des médias depuis 2 mois, le défi des programmateurs est de renouveler les experts sur les plateaux, rarement occupés par les infectiologues et autres urgentistes.

Les chaînes déclarent respecter les gestes barrières en plateau, et ont diminué le nombre d’invités présents, au profit d’appels vidéo. Par exemple, C Politique est construite autour d’appels vidéo, l’émission plus courte est enregistrée le vendredi au lieu d’être diffusée en direct le dimanche.

Au moment de monter les plateaux, les programmateurs tentent de respecter certains critères imposés par les chaînes comme la mixité. Si la parité totale n’est pas toujours atteinte selon eux, les plateaux ne sont pas que masculins.

Par ailleurs, les programmateurs réalisent des « pré-interviews » afin de savoir sur ce que les invités potentiels pourraient déclarer sur le sujet. Pour les personnes novices, il faut prendre le temps de discuter afin de s’assurer de la clarté de leur propos et que l’invité ne tente pas d’imposer sa vision.

Des milliers de contacts sont classés par les programmateurs selon des thématiques afin de les joindre le plus rapidement possible, et idéalement en premier, l’expert souhaitée.

En conférence de rédaction, les programmateurs, présentateurs et directeurs de l’information planifient quotidiennement les sujets à venir. Les dates des prévisions (sorties littéraires, cinématographiques, examen d’un projet de loi ou sommets internationaux) sont scrupulement annotées.

Communication et information

Le traitement médiatique du Covid-19 est aussi scruté par des chercheurs. Pour le site Internet de l’université de Strasbourg, dans le cadre de la série « Regards croisés de chercheurs sur le Covid-19 », Marion Riegert, journaliste scientifique a interviewé un chercheur spécialisé dans les médias sociaux, Philippe Viallon sur la communication dans les médias à l’ère du Covid-1. Ce chercheur au Laboratoire interuniversitaire des sciences de l’éducation et de la communication (Lisec) a noté que pour rassurer, le gouvernement a fait appel aux chiffres qui donnent une touche scientifique. Dans les premiers temps de la crise, il a utilisé le vocabulaire guerrier. Il a aussi remarqué l’explosion de l’usage des médias sociaux avec le développement des fake news. Toutefois, les médias sociaux ont permis aux personnes de rester en contact.

Enfin, les journalistes peuvent analyser le discours médiatique. C’est le cas avec Hervé Brusini, ancien rédacteur en chef de France Télévisions et prix Albert Londres qui a rédigé un article pour le site Meta media. Il a remarqué le caractère anxiogène des images, des récits autour du Covid-19. Il a noté le vocabulaire utilisé : morbidité, létalité, saturation, oxygène, repousser les murs, pénurie, retard, pas vu venir, guerre, tests non valides, vagues, flambée, clusters…

Outre des mensonges ou semi-vérités à propos des masques et des tests diffusés par le pouvoir, le Covid19 est l’objet de discours contradictoires, d’où une incertitude.

Avec tous ces reportages filmés, écrits ou sonores, consacrés aux infirmières, médecins, brancardiers, réanimateurs, le téléspectateur assiste à la lutte médicale contre le coronavirus. La mort massive a été également filmée. Enfin, la communication des autorités est passé par des briefings officiels, des conférences de presse ou déclarations. Avec les mots, les encadrés, les courbes, les chiffres de la contamination et les statistiques de la mort, l’infographie a révélé une mise en scène du virus.