REVUE DE WEB JANVIER

REVUE DE WEB JANVIER

Une bonne année 2019 pleine de joies et de réussites, tant sur le plan personnel que professionnel ! Voici une revue de web de janvier autour de la presse, de la cybersécurité et de la médiation scientifique.

De la presse aux risques du métier

L’année 2019 sera morose pour la presse. La journaliste, Lucie Dorothé, dévoile, sur le Blog du Modérateur, les résultats de l’enquête annuelle sur les prévisions des journalistes pour 2019 de la fondation pour le journalisme de l’université d’Harvard, Nieman Lab. Chaque année, il interroge, en effet, 200 professionnels des médias répartis à travers 29 pays : des dirigeants, des responsables éditoriaux et des responsables digitaux.

Les sources de revenus pour les organisations de presse en 2019 sont diverses : la publicité display (81%), les abonnements (78%), les publicités en natif (75%), les événements (48%), le E-commerce (31%), les donations des organisations (12%) et des consommateurs (11%). Si les sources de revenus des médias sont de plus en plus variées pour combler la baisse du nombre de lecteurs, les abonnements et la publicité restent des éléments dominants dans le budget.

Par ailleurs, les médias accordent une importance à Google avec 87% des réponses. Apple News et Facebook se positionnent ensuite à 43 % chacun, puis YouTube à 42%. Si les revenus des médias sont en baisse, un tiers des sondés espèrent que les fondations et les organisations à but non lucratif viendront les secourir.

Selon Rasmus Kleis Nielson, directeur à l’institut Reuters pour l’Étude du journalisme, 2019 sera « une longue et lente galère » pour le modèle économique des médias. « A l’heure actuelle, la plupart des informations publiées ne méritent tout simplement pas qu’on paye pour y accéder. », commente l’expert. D’ailleurs, selon lui, les pop-ups d’abonnements finiront à terme par exaspérer les internautes et leur donner une raison supplémentaire de s’éloigner des médias.

Malgré la morosité économique de la presse, les journalistes spécialisés dans les sujets environnementaux risquent leur santé jusqu’à leur vie dans l’exercice de leur métier. Un article d’Éric Freedman, professeur Journalism and Chair au Knight Center for Environmental Journalism de l’Université de l’Etat du Michigan State a été traduit sur le site internet de The Conversation. Ce chercheur a réalisé une étude sur la situation des journalistes enquêtant sur l’état environnemental de la planète car ceux-ci s’exposent à un risque plus important de meurtre, d’arrestations, d’agressions, de menaces, d’exil, de poursuites judiciaires ou de harcèlement. Ainsi, il a réalisé des interviews approfondies avec des journalistes des cinq continents ayant vécu ce genre d’expériences. Il a aussi traité avec eux les conséquences sur leur santé psychologique et leur carrière.

L’information environnementale est devenue, en effet, l’un des exercices les plus risqués du journalisme. 40 reporters sont morts entre 2005 et 2016 pour avoir enquêté sur ces thèmes. Les rares études qui se sont penchées sur les attaques envers les journalistes révèlent que ce type d’agressions peut avoir des conséquences durables comme le stress post-traumatique et des dépressions et des problèmes de dépendance. Si certains journalistes réussissent à dépasser ces épreuves, d’autres restent dans un état de peur ou se sentent coupables d’avoir fui en laissant derrière eux des proches ou des collègues. Selon le professeur, ces reporters devraient être plus nombreux à suivre une formation à la sécurité, comme beaucoup de correspondants de guerre ou internationaux.

La cybersécurité et YouTube

La presse doit savoir aussi se protéger contre les cyberrisques. Lors du Forum International de la cyber sécurité, Marc Michiels, Rédacteur en Chef du site Internet Culture RP a interrogé Frans Imbert Vie, CEO de l’agence de conseil stratégique et de protection du secret en Suisse, Ubcom, sur les enjeux stratégiques et prospectifs de la sécurité pour les acteurs médias en 2019.

Si les enjeux de la cybersécurité ne sont pas considérés comme un point important de la communication, les médias doivent démontrer leur intégrité face à la manipulation d’informations diffusées dans les réseaux sociaux, forum et chaine digitale. La plupart de l’audience de plus en plus mal formée à distinguer la vérité de la manipulation et de différencier un journaliste détenteur d’une carte de presse et un blogueur. Une charte, des consortiums (CIJI), une convention internationale, existe mais cela reste insuffisant. La sécurité peut donc jouer un rôle dans la médiation en certifiant l’origine du contenu, sa traçabilité et son intégrité. La Charte de Munich devrait s’adapter aux médias numériques mais l’absence de révision des textes fondamentaux au regard de l’innovation des supports de communication explique le décalage perçu entre l’information et l’infotainment.

Les solutions métiers préconisées sont les Bots et les trolls utilisés sur les réseaux sociaux. Les plus innovantes sont l’intelligence artificielle (IA) et la traduction simultanée qui permettra de mondialiser complètement les réseaux sociaux. Mais les éditeurs et les annonceurs doivent déjà s’interroger sur les technologies qui permettront d’assurer l’intégrité et la diffusion contrôlée de ses contenus. De plus, l’IA associée au service de la blockchain peut produire un techno système souverain aux médias de contenu journalistique et ainsi développer un meilleur revenu de l’annonceur en assurant l’intégrité du message.

Quant aux agences RP, elles doivent chercher une plus grande indépendance. Si les grands acteurs sont les bras armés des lobbyistes, il faut trouver une gouvernance et un modèle qui garantissent le rôle de l’agence. Pour les agences, l’avenir, c’est la blockchain car avec cette technologie, il est possible de valoriser l’audience, augmenter les interactions avec les consommateurs et anticiper les positionnements de leurs messages.

L’innovation ne touche pas que la technologie mais la médiation. Mikaël Chambru, Maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication de l’Université Grenoble Alpes et Julie Polge, chargée d’exposition scientifique à la Communauté Université Grenoble Alpes ont coécrit un article sur les nouvelles formes de médiation scientifique pour le site Internet The Conversation. Les youtubeurs spécialisés dans la vulgarisation existent déjà depuis une dizaine d’années. Devant ce phénomène, les musées, les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, les Centres de CSTI (CCSTI) et les associations ont développé ce nouveau type de médiation en créant eux-mêmes des contenus ou en collaborant avec des youtubeurs. Ainsi, devant cet engouement, le ministère de la Culture a publié, il y a un mois, un document recensant quelques 350 chaînes de vulgarisation scientifique adaptées à un usage éducatif.

Si les youtubeurs, d’abord présentés comme des vidéastes profanes, sont rapidement devenus des amateurs avertis travaillant selon des standards professionnels afin de produire du contenu audiovisuel sur la plate-forme numérique. A une moindre échelle, les relations diverses entre institutions de CSTI et youtubeurs se sont manifestées par la relecture d’un script par un scientifique, le prêt de matériel, de services, de locaux, ou encore le financement de tout ou partie du projet. L’hébergement de la chaîne Balade Mentale par le CCSTI La Rotonde en est un exemple. Des formats hybrides institutionnels « typés YouTubeur » apparaissent également comme la chaîne de vulgarisation « Zeste de Science » du CNRS.

Pour être vu sur YouTube, il faut être original, parler de sujets populaires et respecter certaines normes. Ces normes communicationnelles adoptées par YouTube se retrouvent dans les formats utilisés, le montage, les nombreuses références à la « culture Internet » et la capacité à raconter (storytelling). De plus, le youtubeur doit se montrer sincère et authentique afin de gagner la confiance des spectateurs. En France, des youtubeurs vulgarisateurs parviennent ainsi à rassembler des centaines de milliers d’abonnés (Dirtybiology, C’est une autre histoire…) voire dépassent le million pour certains (E-penser, Dr Nozman, etc). Conscientes du potentiel de dialogue avec le public, les institutions de CSTI souhaitent de plus en plus travailler avec ces vidéastes afin de renouveler les formes de publicisation de la culture scientifique.