REVUE DE WEB NOVEMBRE

REVUE DE WEB NOVEMBRE

Le traitement du Covid-19 et de l’environnement dans les médias, la communication sanitaire et la stratégie du Parisien pour l’abonnement numérique : voici les thèmes de cette revue de web automnale.

Epidémie, médias et communication

Le Covid-19 a mis les médias et le public sous tension. Pour le site de Culture RP, Théo Péroz, Head of Cision Insights France retourne sur un phénomène médiatique inédit. Après la découverte de la Covid-19, le monde médiatique observe les évènements avec prudence. Mais la propagation mondiale de l’épidémie et l’annonce de la quarantaine à Wuhan en janvier 2020 entrainent une accélération importante de flux d’échanges inédits. Ainsi, entre janvier et août 2020, plus de 100 millions d’articles publiés dans le monde et plus d’un milliard de mentions sur les réseaux sociaux sont produits.

L’épidémie a exercé une pression sans précédent sur les capacités attentionnelles des publics. En février 2020, la pandémie représente 5% de tous les sujets traités par la presse quotidienne nationale en France. Puis à partir des annonces de confinement du 17 mars, elle occupe plus de 60% de l’espace médiatique.

Mais les entreprises ont été le plus durement frappées par l’épidémie médiatique. De mars à mai 2020, 80% de la médiatisation des marques dans la presse quotidienne est lié à celle de la Covid-19, avec un pic de 9 articles sur 10 pour les enseignes de la distribution alimentaire.

L’augmentation du taux d’infection d’un pays engendre symétriquement une croissance de la couverture médiatique. Les médias et les publics considèrent, en effet, avec plus d’importance les événements se passant à proximité. Ce phénomène est nommé « la sidération médiatique ».

L’épidémie médiatique suscitée par la Covid-19 occupe 60% des débats durant presque 3 mois, avant de se stabiliser les mois suivants à des taux supérieurs à 30%.

Dans un monde devenu incertain, les médias peinent à penser la crise, les informations sont transmises sans filtre et manquent de perspective. Selon un sondage réalisé par l’Institut Viavoice, 60% des Français ont considéré trop importante la place occupée par la pandémie dans les médias, 50% ont jugé la couverture anxiogène et 28% catastrophique.

La couverture médiatique de l’épidémie est un triomphe de la science et de la médecine dans le débat public, comme le remarquent plusieurs signataires de l’Académie des sciences, de l’Institut de France et de l’Institut du cerveau.

Dans cette confusion générale, certains s’improvisent experts sanitaires et les scientifiques diffusent leur savoir en commentaires contradictoires. Selon Théo Péroz, une information fondée sur des observations rigoureuses et des faits scientifiques validés peut servir de socle à l’adhésion citoyenne.

En outre, la pandémie facilite la propagation de fake news. Selon un sondage Ipsos, 43% des Français pensent que le virus n’est pas arrivé de manière naturelle. Confrontés à une crise qui suscite plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, les publics ont plus tendances à adhérer et à propager des infox. En France, la moitié des fake news est liés à des enjeux politiques (les mesures, le confinement, etc.), des modes de traitement (aspirine, cocaïne, ail, etc.) ou des questions relatives aux masques. Selon des recherches du MIT, une infox a 70% de chances de plus d’être partagée et est diffusée 6 fois plus rapidement qu’une information vraie.

En offrant l’opportunité à chacun d’être médiatisé, les réseaux sociaux ont changé en une décennie des publics-spectateurs en publics-médias producteurs et diffuseurs de contenus.

La communication sanitaire doit suivre des règles. Sur son blog, Olivier Cimelière, directeur adjoint ESJ Pro Entreprise, rappelle que le gouvernement français est critiqué sur son inefficience face à la pandémie du coronavirus et sur sa communication. Entre atermoiement, esquive et cacophonie, les messages ont des difficultés à circuler et surtout à convaincre la population. C’est sur ce point important de la communication que trois chercheurs de l’University of British Columbia au Canada ont publié une très instructive étude comparative sur les stratégies de communication de crise adoptés dans neuf pays démocratiques et leur impact sur la gestion de la pandémie.

Malgré des protocoles sanitaires pour lutter contre le Covid-19, les neuf pays étudiés ont un point en commun : avoir placé la communication au centre de l’action collective. Le Sénégal, la Corée du Sud, Taiwan, l’Allemagne, la Norvège, la Suède, le Danemark, la Nouvelle-Zélande et le Canada ont fait de la communication officielle, le socle de leurs actions pour combattre le virus et susciter l’adhésion et la confiance parmi leurs citoyens. Le rapport des chercheurs identifie cinq principes fondamentaux à suivre pour assurer un meilleur stratégie de communication.

Le premier principe : préférer l’autonomie aux injonctions. Il faut développer et répéter des recommandations sanitaires simples à comprendre et à appliquer : se laver plusieurs fois les mains au gel hydroalcoolique, tenir les bonnes mesures de distanciation, porter un masque… Cette transmission d’informations doit être aussi rapide et s’appuyer sur tous les corps intermédiaires de la société (des entreprises, des syndicats, des associations, des commerces, des élus régionaux). Ils doivent s’approprier de manière autonome et répercuter en fonction des caractères locaux. Cette communication claire, simple, fréquente et réactive peut ainsi entraîner une vraie dynamique collective où chacun se sent responsable.

Deuxième principe : prendre en compte les valeurs, les émotions et les histoires. Dans leur rapport, les chercheurs soulignent le fait que les faits scientifiques seuls sont insuffisants pour entraîner et mobiliser la population. La communication de ces faits doit se référer aux valeurs communes qui fondent la nation et à des postures d’empathie réelle et à des histoires ou des témoignages du terrain. Il s’agit simplement d’être dans l’authenticité, dans la gratitude pour les efforts accomplis ou dans l’encouragement.

Troisième principe : faire appel à la société civile et écouter ses attentes et ses remarques. Quant au quatrième principe, il concerne l’institutionnalisation des communications. Si les trois premiers principes relèvent plutôt du court-terme, le quatrième principe s’inscrit dans le temps long. Une communication rapide requiert paradoxalement de pouvoir se baser sur des structures et des dispositifs construits sans attendre l’éclosion d’une crise sanitaire. Or, dans le domaine de la santé publique, le budget de la communication est souvent réduit.

Le cinquième principe n°5 est de décrire la réponse sur le plan démocratique. Dans leur rapport, les chercheurs insistent particulièrement sur la teinte démocratique du vocabulaire et des allégories ou comparaisons à utiliser dans une situation de crise sanitaire. Pour eux, une métaphore inclusive peut mieux aider les citoyens à comprendre leur rôle durant la pandémie et le niveau d’investissement attendu dans la lutte.

JT au numérique

L’environnement occupe une place plus importante dans les médias. A l’occasion du festival Médias en Seine, François Quinton, Géraldine Poels et Véronique Lefort ont restitué une étude sur le traitement de l’environnement dans les journaux télévisés pour le site Internet La revue des Médias. Ils ont noté qu’en un peu plus de vingt ans, le nombre de sujets consacrés à l’environnement dans les JT du soir de 5 chaînes « historiques » (TF1, France 2, France 3, Arte et M6) a plus que doublé. Parmi les sujets environnementaux, figurent les thèmes sur l’énergie, climat, pollution, biodiversité.

Plusieurs actualités importantes ces deux dernières années peuvent expliquer le niveau inédit atteint par les sujets environnementaux télévisés ces deux dernières années : accidents (incendie de l’usine Lubrizol à Rouen, en septembre 2019 ; gigantesques incendies en Australie, essentiellement couverts en janvier 2020), phénomènes météorologiques extrêmes (sécheresses ; canicules), politiques ( « grand débat national », en janvier 2019 ; COP 25 de Madrid décembre 2019 ; démission du ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, au micro de la matinale de France Inter, le 28 août 2019 ; municipales 2020), mouvements sociaux (marches pour le climat ; émergence de la figure de Greta Thunberg) …

Sur cette période, le JT de 20h de TF1 a traité le plus la thématique environnementale (33,1 % du total de l’ensemble des sujets environnements de tous les JT1), devant celui de France 2 (27 %) —. Viennent ensuite les journaux télévisés de France 3 (16,5 %), Arte (11,9 %) ou de M6 (11,6 %) — qui diffusent, eux, un volume de sujets beaucoup moindre dans leur JT.

La progression du temps de JT consacré aux enjeux environnementaux a plus que triplé, pour une durée quotidienne moyenne, tous JT confondus, d’un peu plus de 11 min au cours des deux dernières années. D’une manière générale, les durées cumulées des sujets « verts » connaissent à peu près les mêmes évolutions sur toutes les chaînes.

En même temps que le nombre et la durée des sujets s’allongent, les angles varient. Jusqu’en 2004-2005, les questions de « pollutions et déchets » dominent. Depuis 2006-2007, la pollution reste souvent le sujet principal des sujets environnementaux, mais dans des proportions moindres (29,3 % de l’ensemble des sujets environnement en moyenne).

La seconde évolution est liée aux enjeux climatiques. L’intérêt pour ces sujets climatiques augmente en 2006-2007, année marquée par un hiver anormalement doux et la réunion à Paris du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pour son quatrième rapport d’évaluation, puis en 2009-2010. Le Sommet de Copenhague (COP 15) fait alors l’ouverture du sujet de TF1 et de France 2, le 7 décembre 2009, puis sur France 2 le 19 décembre. Une importante couverture médiatique est consacrée aux manifestations à Copenhague et les négociations avec la Chine et les États-Unis, les deux pays les plus pollueurs de la planète. L’attention des journaux télévisés à ces enjeux climatiques atteint un pic à nouveau en 2015-2016 (494 sujets), à l’occasion de la COP 21, qui se déroule au Bourget, près de Paris, du 30 novembre au 12 décembre. L’événement fait ainsi 6 fois l’ouverture du JT de France 2 (entre le 12 novembre et le 12 décembre), ainsi que sur TF1 (entre 8 novembre et le 12 décembre), 4 fois sur France 3 (entre le 28 novembre et le 12 décembre) ainsi que sur Arte (entre le 30 novembre et le 12 décembre) et 3 fois sur M6. L’organisation, par la France, de cet événement, et son résultat, l’« Accord de Paris » et une forte couverture médiatique ont facilité sa médiatisation. En outre, le climatologue Jean Jouzel notait depuis 2015 : « Les animateurs ne vont plus chercher une contre-écoute systématique en invitant des climato-sceptiques, alors que c’était le cas avant. »

Si le traitement de la question climatique diminue légèrement les années suivantes, elle maintient un niveau élevé (près de 300 sujets par an en moyenne) et est la deuxième thème environnemental traité dans les JT au cours des quatre dernières années. Néanmoins, 57 % des Français sondés en 2019 estimaient le dérèglement climatique « mal traité » dans les médias, selon le Baromètre de la confiance des Français dans les médias réalisé par Kantar pour le quotidien La Croix.

Le troisième grand sujet environnemental traité dans les JT est la biodiversité. Le nombre de sujets a triplé sur les huit dernières années. Quant aux problématiques énergétiques, elles connaissent une forte croissance jusqu’en 2011-2012, année marquée par des débats sur la filière nucléaire française, alimentés par les négociations à ce sujet entre e le Parti socialiste et Europe-Écologie-Les-Verts (novembre) dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012, et le suivi des conséquences de l’accident nucléaire de Fukushima, au Japon, l’année précédente.

Par ailleurs, le premier enseignement est que la hiérarchisation des sujets sur l’environnement par les deux principaux JT (en audience, durée, nombre de sujets) suit de près la même évolution, car ils traitent pratiquement les mêmes actualités.

L’année où la priorité accordée à l’environnement est la plus forte dans ces deux JT correspond à la période 1999-2000 où le pétrolier Erika provoque une immense marée noire sur la façade ouest du pays. Plusieurs critères ont favorisé son important traitement médiatique : la proximité de l’évènement, la suite d’épisodes, la matérialité durable et observable de la pollution et l’ampleur de la catastrophe écologique. De plus, les enjeux environnementaux sont alors majoritairement couverts à travers des sujets consacrés à la pollution.

Puis, tendanciellement jusqu’aux années 2003-2004 et 2004-2005, la thématique environnementale est traitée vers la deuxième partie des JT. Puis ces questions ont connu une priorisation de la part des journaux télévisés.

Le numérique change aussi le traitement de l’information. La journaliste Alexandra Patard donne la parole à Sophie Cassam Chenaï, directrice du numérique du Parisien dans le Blog du Modérateur. Celle-ci présente les leviers éditoriaux, digitaux et techniques mis en place par le journal pour faire croître son nombre d’abonnés en ligne.

Alors que les médias d’information traditionnels réalisent progressivement leur transformation digitale, pour passer du print à un format en ligne, Sophie Cassam Chenaï, directrice du numérique du Parisien, note un autre changement profond des abonnements numériques. Ces lecteurs qui s’abonnent aux médias de presse pour lire les actualités toute la journée. Cette actualité devient en partie payante de façon à faire fonctionner ce modèle des abonnements numériques. Mais le défi reste important. Selon un sondage IPSOS, seuls 15 % des personnes interrogées en France seraient prêtes à payer pour de l’information vérifiée et de qualité, alors que la moyenne s’établit à 27 % au niveau mondial.

Parmi les principaux freins notés, figure l’arbitrage souvent réalisé sur les abonnements au sein des foyers, avec notamment les médias d’information qui sont en balance face à d’autres offres culturelles, comme Netflix, Spotify ou Deezer. L’autre barrière porte sur les réseaux sociaux, une source d’information qui est plus utilisée aujourd’hui par les Français que les médias d’actualité. Pour se distinguer des médias sociaux, ces médias d’information disposent de journalistes professionnels qui vérifient leurs informations.

Pour la directrice du numérique, le contenu constitue le levier le plus important et il nécessite la plus grande transformation au sein du journal. Ainsi, les équipes éditoriales doivent changer leur façon de concevoir leurs articles. Les sujets sont désormais sélectionnés et les journalistes se concentrent sur des contenus à plus forte valeur ajoutée pour les abonnés, tels que des enquêtes, des récits, des longs formats, du feuilletonnage, avec de l’information de qualité, des contenus exclusifs et étayés. Dans sa nouvelle stratégie, le média apporte désormais à ses actualités une dimension plus régionale.

Pour inciter les lecteurs à s’abonner, de nouvelles thématiques ont été créées par le média ces derniers mois comme l’environnement et la santé, un sujet d’actualité avec la crise sanitaire actuelle.

La nouvelle version de l’application mobile du Parisien a des informations hiérarchisées et un accès en avant-première, la veille, à l’édition du journal numérique. Les innovations liées au produit et une bonne qualité éditoriale permettent au journal de mettre en place un paywall, un bandeau qui bloque la lecture pour les utilisateurs non abonnés. En 2019, moins de 1 % des articles du Parisien contenaient un paywall, aujourd’hui le site et l’application mobile en disposent plus de 30 %. Le média propose également des articles premium, qui sont passés de 10 à 50 en un an, sur un total de 150 contenus.

Si la crise liée à la Covid-19 est une période favorable pour les médias d’informations en général, qui ont doublé voire, triplé leurs abonnements numériques, tous titres de presse confondus.

Enfin, Sophie Cassam Chenaï livre des conseils pour fidéliser ses abonnés : des nouveaux contenus digitaux, tels que des podcasts d’actualité (Code Source) ou des vidéos, des séries de contenus sur des thématiques récurrentes et des contenus destinés en particulier aux jeunes qui touchent à 60 % les moins de 35 ans.