REVUE DE WEB DECEMBRE

REVUE DE WEB DECEMBRE

Les influenceurs français, la stratégie de la presse quotidienne sur les réseaux sociaux destinées aux jeunes et la communication sur la santé : voici les thèmes de cette revue de web qui clôture cette année 2020 entâchée par le Covid-19.

De l’influence aux jeunes

Les influenceurs sur les réseaux sociaux sont des vecteurs de la communication des marques. Estelle Raffin, journaliste, commente une étude de Reech sur les influenceurs français en 2020 pour le site Internet Blogdumodérateur : profils, plateformes et usages privilégiés, collaborations avec les marques, revenus… Instagram demeure la plateforme où les influenceurs sont les plus actifs. Cette étude a été effectuée suite à un sondage de plus de 1400 influenceurs français, entre le 23 octobre et le 8 novembre 2020. Elle est consacrée à la relation entre les influenceurs et les marques. Les influenceurs préfèrent être considérés comme des « créateurs de contenus ». 3/4 de ces influenceurs sont surtout des créatrices de contenus, car 74 % sont des femmes. La tranche 19-35 ans représente 70 % des créateurs avec une moyenne d’âge à 30 ans (+1 an par rapport à l’année dernière). De plus, une minorité des influenceurs exercent cette activité à temps plein. La majorité exercent déjà un travail à côté ou sont encore étudiants.
Parmi leurs sujets préférés, figurent Lifestyle (87 %), Loisirs (43 %), Culture (10 %), Engagement (10 %) et Business et Entreprenariat (3 %). Concernant les plateformes et usages, Instagram (94 %), Facebook (31 %) et le blog (25%) sont privilégiés. Si Instagram reste leur réseau préféré, de nombreux influenceurs prometteurs font encore appel au blog. Parmi les changements notables cette année : YouTube dépasse Twitter et occupe la 4e place, TikTok dépasse Snapchat et arrive en 7e place. Par ailleurs , 3 nouvelles entrées sont à souligner dans le classement : Twitch, le Podcast et Mapstr. Cette année, les influenceurs se sont inscrits sur les plateformes où TikTok se place largement en tête : près de la moitié des influenceurs interrogés (41 %) se sont inscrits à l’application de vidéos courtes cette année.
Par ailleurs, une plateforme est choisie par l’influenceur en fonction de son appartenance à une génération précise. Si les plateformes telles que Snapchat, TikTok et Twitch vont être prisées par les plus jeunes (24-26 ans de moyenne), Facebook, LinkedIn et Pinterest sont préférés par les personnes âgées de plus de 30 ans (34-35 ans en moyenne).
A propos des usages sur Instagram, les types de posts les plus utilisés sont les suivants : simples (90 %), carrousel (56 %) et vidéo (30 %). Concernant les stories, les simples sont les plus utilisées (82%), ensuite les « sondage » (60 %), les « questions » (48 %) et les « quiz » (21%). Enfin, la dernière fonctionnalité Instagram, les Reels, est déjà été employée par 28 % des créateurs.
Le marketing d’influence est devenu un réel levier stratégique pour les marques. 81 % des influenceurs ont obtenu au moins 1 partenariat cette année. 51 % des influenceurs ont eu plus de demandes de partenariats qu’en 2019. 47 % déclarent avoir été contactés davantage en direct par les marques.
Parmi les 3 plateformes les plus employées pour les partenariats, figurent Instagram (87 %), le Blog (24 %) et YouTube (24 %). Quant à TikTok plus en vogue occupe la 5e place du classement. De plus, une émergence de la pratique de l’amplification du contenu permet aux marques de faire de l’achat média directement sur le contenu, et au nom du créateur. Cette année, 45 % des créateurs ayant eu un partenariat en 2020 ont déjà fait appel à l’amplification de contenu. 73 % des créateurs se déclarent favorables à cette pratique seulement si la marque les implique dans le projet (plus de transparence), et 63 % souhaitent être rémunérés en conséquence.
L’étude montre également que la moyenne des rémunération connaît une augmentation de 15 % en 2020 malgré la crise. Le nombre de propositions de partenariats a augmenté de 51 % par rapport à l’année dernière, le premier confinement aurait finalement impacté les demandes et la rémunération qu’à court terme. La majorité des créateurs ne vivent pas de cette activité. seuls 6 % d’entre eux gagnent plus de 20 000 € par an grâce à leur activité d’influenceur. Pour les revenus moyens, ils augmentent de 8 % cette année.
La crise liée à la pandémie mondiale et les confinements associés, auront permis aux créateurs d’augmenter leur rythme de publication (35 %). Plus de la moitié (57 %) déclarent aussi avoir davantage interagi avec leur communauté. En outre, 50 % des créateurs notent avoir accéléré la croissance de leur communauté cette année. Par ailleurs, les créateurs ont pu traiter de nouveaux sujets (51%), en mettre de côté (35 %) et en abandonner certains (18 %). Enfin, 1 seul créateur sur 3 n’a pas changé leurs pratiques malgré la crise sanitaire.

Les réseaux sociaux destinés aux jeunes figurent aussi dans la stratégie de développement de la presse quotidienne. Jean-Marie Charon, sociologue spécialisé dans l’étude des médias, rattaché au Centre d’étude des mouvements sociaux (EHESS) et Adénora Pigeolat, étudiante en droit à l’université Le Havre – Normandie, ont étudié les innovations de la presse quotidienne concernant les réseaux sociaux destinés aux jeunes pour le site Internet La revue des Médias.
Les quotidiens nationaux misent, en effet, sur les réseaux sociaux prisés par les 15-30 ans. Ainsi, Le Figaro a créé une «équipe stories », destinée à produire des contenus sur un ensemble de plateformes dont TikTok, Snapchat et Instagram. Au Monde, plus d’une dizaine de journalistes produisent les contenus informatifs destinés à ces mêmes utilisés par les publics jeunes depuis plusieurs années. L’Équipe et 20 Minutes ont opté, quant à eux, pour des organisation différentes, mais ils sont aussi présents sur ces réseaux sociaux. Pour l’instant, les investissements connaissent très peu de retombées financières à court terme. Or les modèles économiques des quotidiens nationaux sont sous tension.
Le dernier point IREP – Kantar (Baromètre unifié du marché publicitaire du 10 novembre 2020) note une baisse de la publicité pour les neuf premiers mois de 2020, de -24 % pour les quotidiens nationaux et -33,6 % pour les gratuits. Ce déclin s’inscrit dans une tendance à la baisse depuis plus d’une décennie (environ -5 à -6 % par an), il a augmenté à cause de la pandémie de Covid-19. Du côté de la diffusion, selon les statistiques de septembre de l’ACPM, le recul est de -11,04 %, sur un an pour les versions imprimées. En revanche, avec le numérique, le solde est légèrement positif à +2,7 %. Par ailleurs, selon l’étude IPSOS Global Advisor de début novembre dernier, seuls 7 % des Français paient pour de l’information et seulement 15 % sont prêts à payer pour une information de qualité.
Outre les dispositifs qu’elle nécessite, l’innovation pour les quotidiens nationaux est freinée par le manque de savoir-faire, or elle requiert un rythme soutenu. Au milieu de la décennie 2010, des laboratoires ou « labs » sont apparus : leur fonction est de piloter la R & D. Ainsi, chez le groupe Centre France, le Lab a été créé en 2014. Une approche « mode projet » a été adoptée : « quatre à cinq journalistes » développent, au sein de la rédaction et en interaction avec les différents services, une idée, qu’ils ont eue ou qui leur est confiée. Ainsi, le cas de développements intéressants sur les réseaux sociaux amènent à maturité des offres qui s’insérent dans la stratégie de conquête d’abonnements d’un nouveau public.
Le premier but des quotidiens s’engageant sur ces réseaux sociaux sont l’élargissement et le rajeunissement du public payant l’information. Le second : l’expérimentation, l’apprentissage de manières de travailler, des types de récits associant l’image et la vidéo. Ainsi, Louis Dreyfus commente la stratégie du Monde dans « Les médias se mettent à table » : « […] Sur la chaîne Snapchat Discover, on doit avoir à peu près 1,5 millions d’ados qui sont abonnés gratuitement au fil du Monde. Supposons que je n’en garde que 10 % [d’abonnés], donc 150 000. Le pari est gagné. »
Pour les titres proposant une offre sur les derniers réseaux sociaux en vogue, leur ligne éditoriale est déclinée dans la grammaire de chacun de ces réseaux. Chaque titre choisit la façon de s’exprimer en direction du public visé. Ainsi le Monde a opté pour la « pédagogie », et le « service public ». Quant au Figaro, il privilégie l’angle des « débats et de l’opinion ». Ces partis-pris d’organisation varient sensiblement d’un titre à l’autre, selon les moyens, l’approche de l’innovation et des publics visés. Quatre grandes options peuvent êtres prises par certains titres .
La première est de constituer des équipes dédiées. Plusieurs journalistes développent des contenus pour plusieurs réseaux sociaux destinés aux jeunes. Quant à la deuxième option, elle consiste à élargir les compétences d’un service de la rédaction. Ainsi, Le Monde a confié au service photo, la tâche d’alimenter Instagram. Depuis 2016, au Figaro, une équipe « social media » composée de six journalistes anime les réseaux sociaux : Facebook, Twitter et Youtube.
La troisième option, mise en place à 20 Minutes pour développer « Oh my Fake ! » sur Snapchat Discover, est basée sur un partenariat-sous-traitance, avec un pure player d’information vidéo, Spicee. Outre ces intervenants extérieurs, la conception et la conduite de chaque offre sont assurées par le « pôle participatif » de la rédaction.
Enfin, la quatrième option a été adoptée par des titres européens, comme Le Soir de Bruxelles ou Le Temps. Il consite à faire appel à des jeunes en écoles de journalisme, pour des interventions limitées dans la durée (stages). Leur vocation est de tester un support et un parti pris éditorial. Par ailleurs, Louis Dreyfus évoque également cette question à propos du recrutement de jeunes, qui pourraient stimuler la créativité des équipes travaillant en mode projet avec un regard différent de celui de la rédaction.
En travaillant sur différents réseaux sociaux, les équipes apprenent l’agilité en s’adaptant en fonction des sujets d’actualité choisis, dans le traitement de l’information et la grammaire de réseaux. Les réseaux sociaux jeunes reposant sur l’image, la vidéo, des infographies animées, nécessitent la présence de motion designers dans ces équipes. Le défi d’organisation est donc important pour faciliter la créativité et l’agilité et les interrelations de ces équipes avec le reste de la rédaction.
Avec 1,9 millions d’abonnés sur Instagram pour L’Équipe, 1,4 millions sur Snapchat pour Le Monde et 200 000 pour 20 Minutes, la conquête d’audiences jeunes est plutôt avancée. La transformation en abonnements numériques payants reste encore à concrétiser dans les années à venir.

Le médicament, le vaccin et la communication

La communication à propos des médicaments passe également par les réseaux sociaux. Pour le site Internet de Culture RP, Carine Zanchetta, rédactrice web a interviewé Rose-Marie Tunier, Directrice de la communication et de l’information de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et décrypte, entre autres, cette communication digitale.Selon cette dernière, les enjeux de communication sont cruciaux pour faire connaitre leurs missions et expliquer les décisions prises. Comme les médicaments ne sont pas des produits comme les autres, ils entrainent beaucoup de débats. Être attentive, écouter, expliquer, convaincre est le quotidien de cette communicante. La communication dans ce secteur d’activité consiste à être continuellement en gestion de risques, anticiper et travailler en système ouvert de dialogue et de concertation avec les parties prenantes. L’organisme fonctionne en permanence en collégialité et en interactions avec les associations de patients, médecins, pharmaciens, scientifiques … Ainsi, avant de prendre une décision, il organise, des auditions publiques qui retransmises en direct, rassemblent patients professionnels et experts de santé. Il sollicite également des experts, comme des sociologues ou des philosophes parce que l’ANSM doit comprendre le monde et les enjeux de société dans lesquels elle évolue.
Rose-Marie Tunier trouve déjà que le métier de communiquant est engageant, mais l’exercer pour le service public dont la vocation est la sécurité des patients, lui confère une responsabilité particulière. Selon elle, il faut rester très attentif à la portée de ses actes et de ses décisions.
En outre, la France a créé de nombreux acteurs – DGS, HAS, ARS…- dans le secteur de la santé publique avec des missions particulières et complémentaires. Ces acteurs communiquent de façon conjointe et en synergie sur des sujets transversaux. Leur investissement sur les médias sociaux est relativement nouveau. Depuis environ 3 ans, les réseaux rendent possible l’identification des leaders d’opinion, des groupes de patients… sensibles à leurs décisions, d’élargir leur audience et sont aussi des canaux de diffusion pour leurs informations. Les comptes Twitter et LinkedIn de l’ANSM sont, d’ailleurs, suivis par des publics de plus en plus nombreux : + 30% de followers sur Twitter et + 60% abonnés LinkedIn cette année.
Avec l’aide des parties prenantes, le site internet de l’ANSM a été modifié. Plus moderne, plus vivant, accessible et pratique, il informera tous les publics, sur des médicaments et des produits de santé et de leur bon emploi. En outre, l’agence communique de plus en plus avec les médias traditionnels de manière dynamique, proactive, et pédagogique.
Si la communication autour du Covid-19 est principalement gérée par le Ministère de la santé, l’ANSM y contribue et son expérience de la gestion des risques l’aide beaucoup. Concernant le fonctionnement de la pharmacovigilance, les essais cliniques, l’approvisionnement des médicaments ou les dispositifs médicaux innovants, elle est pédagogique.
Si l’ANSM n’adopte plus vraiment une communication de crise comme lors du premier confinement, néanmoins, il se penche sur des questions à haute tension du Covid et bénéficie de l’expérience et du recul de la première période. L’arrivée des vaccins en France en 2021 suscitera donc toute leur attention tout en négligeant pas d’autres sujets urgents.

Une communication adaptée permet de convaincre les français de se faire vacciner contre le Covid-19. Pour le site Internet de The Conversation, Linda Cambon, enseignant chercheur à l’Université de Bordeaux et François Alla, Professeur de santé publique à l’Université de Bordeaux et Michaël Schwarzinger, médecin de santé publique à l’Inserm s’expriment sur la manière de communiquer pour convaincre les français de se faire vacciner. Ils ont effectué une analyse croisée de l’enquête CoVaPred, des données de la littérature via une revue des méta-analyses et revues systématiques portant sur les facteurs impliqués dans la décision vaccinale non obligatoire et des théories prédictives des comportements à faible/moyenne persévérance. Quatre piliers clés d’une future campagne de vaccination et et les conditions de sa réussite ont été identifiées.
La littérature scientifique met en évidence le nécessaire équilibre à trouver entre la perception du bénéfice contre la maladie et celle du risque lié au vaccin. Dans le cas de la Covid-19, cette perception bénéfice/risque est d’autant plus importante à prendre en compte que la perception de la sécurité des vaccins remise en cause par des procédés rapides de leur développement et que la gravité de la maladie dépend de l’âge et des comorbidités, excluant de fait la plus grande partie de la population adulte qui pourrait s’inquiéter de se faire vacciner contre une maladie qui la met peu en danger.
Si certaines études mettent en évidence l’intérêt d’une communication portant sur la gravité ou le regret en cas d’infection ou de transmission, ce type d’approche peut vite être inefficace si les conséquences en cas de contamination sont de faible gravité.
Ainsi, une communication basée sur l’immunité individuelle faisant référence à la gravité de la maladie ne peut être que contredite par l’expérience personnelle face à un nouveau vaccin dont le risque d’effets secondaires graves et rares ne peut être perçu par l’expérience personnelle. Cette segmentation de la population peut délégitimer le vaccin chez les non vulnérables par la perception d’une balance bénéfice/risque défavorable et renforcer encore la défiance des populations. Enfin, selon les auteurs, il serait plus judicieux de mobiliser davantage le bénéfice collectif ou la protection des plus fragiles dans une approche altruiste de la vaccination.