REVUE DE WEB OCTOBRE

REVUE DE WEB OCTOBRE

Fake news, les réseaux sociaux et la presse : voici les thèmes principaux de cette revue de web d’octobre.

Des fausses informations aux sources

La recherche pourrait être une des solutions pour lutter contre les fausses informations. Pour le site Internet de The conversation, Divina Frau-Meigs, professeur des sciences de l’information et de la communication à l’Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3 – USPC et responsable de la chaire UNESCO « Savoir Devenir à l’ère du développement numérique durable : maîtriser les cultures de l’information » à l’Université Sorbonne Nouvelle dénonce que les états démocratiques manquent d’instruments scientifiques à la mesure du problème de la mal-information.

L’avis du Comité d’éthique du CNRS sur l’information scientifique et « les responsabilités des chercheurs à l’heure des débats sur la post-vérité » rejoint en cela le rapport des experts de haut niveau sur la désinformation en ligne, produit par la DG Connect. Les chercheurs doivent continuer à participer au débat public sur les controverses de toutes sortes (économiques, climatiques, numériques…) et jouer leur rôle de lanceurs d’alerte du quotidien. Mais selon Divina Frau-Meigs, les chercheurs doivent mieux communiquer sur leurs pratiques et leurs démarches afin de produire des résultats scientifiques.

La chercheuse note aussi un déficit français dans le domaine en France. Cela peut présenter le risque que les recherches de ce type soient réalisées hors de l’université, avec des financements d’entités commerciales privées qui sont à la fois juge et partie. Le nombre de recherches sur l’infox actuellement financées par Google et Facebook pallie les manques de la recherche publique… mais donne plutôt un aperçu du fonctionnement de Twitter tandis qu’ils ne donnent très peu d’accès à leurs propres modes de fonctionnement.

Twitter est aussi une source d’information pour le journaliste. Pour le site Internet de Culture RP, Cyndie Bettant, directrice Publication Culture RP, commente et relate les propos d’Eric Mettout, directeur adjoint de la rédaction de l’Express. Selon lui, les réseaux sociaux sont plus qu’un outil de diffusion aujourd’hui, ce sont des outils de veille. Le journaliste ajoute aussi : « Aujourd’hui, mon réseau est sur Twitter et non pas dans mon téléphone, dans mon carnet d’adresse. Je n’appelle plus les gens, je les contacte en direct via les plateformes. » Il reconnait que grâce à Facebook et Twitter, il est possible d’augmenter le nombre de lecteurs.

Les journalistes interviewés sur Culture RP considèrent que le premier challenge des médias consiste à avoir un business model de la presse en ligne. Il est vrai qu’en 2017, Google et Facebook ont connu 92% de la croissance du marché publicitaire numérique en France et ont représenté 78% des investissements des annonceurs. La directive des « droits voisins », permettant de taxer les multinationales pour participer au financement de la presse serait une alternative.

Si aux Etats-Unis, certains journaux comme le Washington Post ou le New-York Times ont réussi à obtenir respectivement plus de 1 et 3 millions d’abonnés payants, cela n’est pas le cas avec les journaux en ligne français. Seul Mediapart en France a atteint 140 000 abonnés.

La presse française semble avoir des difficultés d’un point de vue marketing.  Une nouvelle écriture doit être adoptée avec le SEO, les podcasts, la vidéo, les stories, les différents genres.

Mais surtout, la presse doit mieux connaitre ses lecteurs. L’IA ou quelques algorithmes spécialisés pourraient être une piste de solution. Le Washington Post et le New York Times qui sont des références en la matière, ont mis en place de telles technologies pour mieux appréhender leurs différents types de lecteurs et ainsi adapter l’information en fonction de leurs envies.

Avec ces algorithmes, il serait possible d’accroître le nombre d’abonnés payants en améliorant sa stratégie de “paywall”. Grâce au machine learning, l’algorithme détermine à quel moment l’internaute a atteint son haut plus intérêt maximal, en associant des centaines de critères pour lui proposer de payer.

Le thread et la supercherie

La succession de tweets peut être un nouveau type d’écriture. Pour le site Internet d’Inaglobal, après avoir relaté l’histoire du Thread ou successions de Tweets, Xavier Eutrope interviewe Jules Grandin, cartographe pour Les Échos et créateur de fils de discussion.

Selon le site d’information Buzzfeed, le terme Tweetstorms est apparu en 2014. Chris Dixon, l’a inventé pour nommer les successions de tweets développant une idée. Twitter a créé de nouvelles fonctionnalités à partir des pratiques de ses utilisateurs. Ainsi, en 2013, une ligne est apparue sur la gauche des tweets pour signaler les messages qui se répondaient. Cette fonctionnalité a été rapidement utilisée par certains usagers, qui répondaient à leur propre tweet pour continuer leur discours.

Le 30 mars 2017, Twitter annonce que les caractères composant les noms des destinataires à qui sont adressés les messages ne compteront plus dans la limite des tweets. Le 12 décembre 2017, Twitter facilite la création du thread avec une nouvelle option permettant d’écrire tous les tweets qui composeront la discussion et de les publier d’un seul coup. De plus, l’expression est favorisée par la nouvelle limite de 280 caractères en novembre 2017.

Ces nouvelles fonctionnalités apparues au fur et à mesure ont entraîné des usages rapidement adoptés par la plupart des utilisateurs. De nombreux journalistes comme Jules Grandin, utilisent le thread pour parler d’une actualité qu’ils suivent ou de leur production. Son service a diffusé des infographies sous forme de thread, car cette forme de narration est bien adaptée aux réseaux sociaux. Concernant son compte Twitter qui est personnel, ces threads n’entrent pas dans la ligne éditoriale des Échos.  Jules Grandin ne dépasse pas une quinzaine des tweets. Le fil ne doit pas être trop long et il faut que le tout premier tweet soit travaillé, parce que les personnes le « retweeteront ».  Afin de faire comprendre qu’il y aura une suite, il peut mettre des petits émojis avec des flèches, ou il signale le thread, mais j’essaie d’éviter le plus possible. Les images sont également très importantes. Pour illustrer le thread, il est aussi nécessaire de se pencher sérieusement sur ses sources. Jules Grandin prépare également ses fils bien en amont avant la publication. Il commence à écrire, d’abord en mettant les grandes lignes avant de tout mettre en forme. Mais dès qu’il poste le premier tweet, le fil est déjà finalisé. Lors du post, il fait des copier-coller. Le tweet doit être assez vite complet parce que les personnes ne doivent pas perdre trop de temps à le lire. Les sujets des threads ne pourraient être traités sur le site du média pour lequel Jules Grandin travaille.

Par ailleurs, le thread oblige à être synthétique. Il faut déjà comprendre Twitter mais être un peu initié aux mécanismes de la plateforme. Pour lui, une idée correspond à 1 tweet, c’est-à-dire 280 caractères maximum. De plus, les petites phrases doivent être efficaces.

En outre, Jules Grandin part du principe que les internautes « retweetent » ou « likent » alors qu’ils n’ont pas lu le papier. Il pense donc qu’une version ultra light du vrai grand format réalisé pour le site, est diffusée sur 10 tweets que les internautes liront. Ainsi, ils auront compris 80 % de l’article qu’ils n’auront peut-être pas lu. Le thread permet de contextualiser une infographie et de fournir les basiques.

 

 

Les tweets sont un des vecteurs de diffusion des fake news. Pour le site Internet de Harvard Business Review France, les professeurs de HEC Paris, Ludovic François et Dominique Rouziès, relatent leur expérience de construction d’un mythe du PDG le plus charismatique européen qui a duré près de dix ans.

L’histoire d’Eric Dumonpierre et des laboratoires Berden a été inventée lors d’un cours sur la réputation d’entreprise et sur la gestion de crise à l’ère d’Internet donné à HEC Paris. Les consignes initialement imposées aux étudiants consistent à créer une entreprise et son PDG et à augmenter leur visibilité jusqu’à ce qu’ils soient affichés en tête des résultats des moteurs de recherche pour des requêtes comme « PDG RSE », qui faisait partie des principaux mots clés ciblés. Néanmoins, les étudiants devaient respecter qu’une seule contrainte : ne pas communiquer directement avec les médias. Ils devaient conforter leur réputation en construisant un écosystème en ligne, composés de sites Internet et de comptes sur les réseaux sociaux où ils diffuseraient des communiqués de presse et d’autres informations sur l’entreprise, son histoire et ses activités. Si un groupe d’étudiants construisait l’image de la société et de son dirigeant avec de fausses histoires, l’autre groupe devait les détruire avec des articles traitant de scandales et de méfaits commis par les laboratoires Berden, en utilisant les mêmes outils et en suivant les mêmes règles. Puis chaque promotion d’étudiants créait de nouvelles réussites. Des sessions de questions-réponses et des interviews filmées d’Eric Dumonpierre ont été élaborés.

Or dans le monde des affaires, la visibilité soutient le rythme des ventes. La réputation d’un individu ou d’une entreprise peut alors se résumer à la première page de résultats des moteurs de recherche. Lorsque les fake news perdurent, les conséquences sont bien réelles pour l’entreprise.

Des études récentes révèlent que les informations fausses sont plus faciles à colporter que les vraies. Dès la première année, et ce malgré des ressources limitées et le caractère relativement rudimentaire des sites Web et des comptes créés par les étudiants, les fausses informations ont été rapidement diffusées.

Des travaux de recherche consacrés à la diffusion des « fake news » montrent que les étudiants ont utilisé des techniques de communication identifiées il y a des dizaines d’années déjà par des chercheurs comme des moteurs de ce phénomène. Les lecteurs peuvent ainsi faire circuler des histoires fortes qui suscitent des émotions telles que la peur, le dégoût et la surprise ou la joie que des histoires sans aspérités.

Par ailleurs, les étudiants ont renforcé la crédibilité des informations en faisant appel à la répétition, en republiant des histoires et en réintégrant des liens vers ces dernières à travers tout l’ensemble de sites et de comptes créés, jusqu’à ce que les algorithmes finissent par les positionner en tête des résultats. D’ailleurs, les chercheurs ont montré que la répétition augmente la véracité perçue. Autrement dit, la familiarité induit la crédibilité.
Après, les étudiants ont accru la persistance des fausses informations en recyclant les histoires anciennes lorsqu’ils en concevaient de nouvelles. Ainsi, les promotions successives ont créé un réseau d’articles qui alimentait un long récit que des internautes, des journalistes, des activistes et des blogueurs relayaient. Cette capacité d’une histoire à persister ne la rend pas seulement marquante ; elle influence activement le processus de décision des lecteurs, et ce même lorsqu’il a été prouvé que l’information était fausse.

Cependant, l’usage des fake news dans le monde des affaires est peut-être plus insidieux encore. Des sites Internet de vérification des faits, dits de « fact-checking », comme Snopes.com et Emergent.info, répertorient des fausses nouvelles qui nuisent à la réputation de certaines entreprises. Saturer tout un écosystème Web avec de fausses informations, des commentaires et des analyses qui se recoupent montre la dangerosité de ce type de stratégie d’influence sur le long terme.

Enfin, l’ampleur de ces supercheries, amplifiées par les algorithmes de recherche d’acteurs légitimes, montre désormais la vulnérabilité de la réputation des entreprises. Etre sensible à ces phénomènes et acquérir les compétences techniques et sociales nécessaires pour les gérer devraient être une priorité pour toute entreprise. La gestion des réputations personnelles et organisationnelles étroitement liées à la création de valeur pourrait constituer l’un des savoir-faire incontournables de toutes les entreprises.