LE  COVID, LES MEDIAS ET LES INEGALITES

LE COVID, LES MEDIAS ET LES INEGALITES

Les relations presse, les podcasts, les indicateurs médiatiques et le Covid sont les sujets traités dans cette revue de web ainsi que les inégalités entre les hommes et les femmes dans les médias.

Les relations presse, les podcasts et le Covid

Le Covid a changé les relations presse. Pour le site Internet de Culture RP, Louise Rey, chargée d’Études Senior chez Cision France a interviewé Catherine Goupillon-Senghor et Elsa Champion, des communicantes de l’Institut Curie à propos des évolutions sur leurs métiers suite à la crise sanitaire. Catherine Goupillon Senghor, responsable du pôle Relations médias et visibilité internationale de l’Institut Curie, raconte son parcours. Après des études de biologie et de génétique, elle a eu une formation de communication scientifique et technique et de journalisme scientifique. Arrivée à l’Institut Curie en alternance il y a 27 ans, elle a essentiellement assuré des relations presse, de l’événementiel et de la communication externe. Responsable adjointe du pôle Relations médias et visibilité internationale de l’Institut Curie, Elsa Champion a, quant à elle, une double formation en biologie et communication scientifique. Elle s’occupe des relations presse depuis plus de 10 ans. Après avoir travaillé au CNRS et l’Inra, elle est arrivée à l’Institut Curie depuis février 2020, juste avant le début de la crise Covid.

Le service des relations presse de l’Institut Curie traite l’activité scientifique et médicale, de l’institutionnel et de l’événementiel. Le service presse interne rédige des contenus. Elle assure également l’interface avec les porte-paroles et la stratégie. L’agence Havas les épaule et s’occupe de la diffusion, des recommandations, des partenariats médias et des relances notamment pour les grosses opérations annuelles comme Une Jonquille contre le cancer.

Avec la crise du Covid, les actions ont été annulées et pendant les premiers mois, la communication était uniquement consacrée au Covid. Les grands congrès de cancérologie sont devenus des réunions virtuelles avec un impact évidemment moindre. Les médias étaient complétement focalisés sur le Covid. Au début de la crise, le cancer ne figurait plus parmi les sujets habituels et il n’y avait plus aucune demande entrante. C’est pour ça qu’il a fallu à un moment donné qu’on intéresse les journalistes autrement parce qu’ils ne venaient plus vers nous de façon spontanée. En temps normal, il y a 300 demandes des journalistes par an.

Puis les journalistes se sont intéressés aux pertes de chances de guérison liées au cancer parce que les malades n’allaient plus à l’hôpital et ne faisaient plus leurs examens à cause de la crainte du Covid. Par ailleurs, 10 épisodes de podcasts ont été réalisés au virus sur les projets de recherche et sur la prise en charge des cancers dans ce contexte. Ils ont généré environ 2 000 écoutes.

Enfin, le métier s’est beaucoup digitalisé à travers les réunions. Des points presse en visioconférence ont eu plus de journalistes inscrits.

Avec la crise, l’oralité est préférée dans les entreprises. Fabien Soyez, journaliste du site Internet de Courrier Cadres, constate qu’avec la crise, les podcasts ont connu un développement, notamment dans les entreprises. De plus en plus, ils sont considérés comme un outil de communication interne et RH avec comme objectifs d’informer et d’engager davantage les salariés. Le journaliste a interviewé Anne-Marie de Couvreur, fondatrice de Mediameeting, entreprise spécialisée dans la création, la conception et la diffusion de podcasts pour les entreprises.

Selon l’experte, traditionnellement, en France, l’information importante est traitée à l’écrit. Cela est vrai pour les entreprises, dans le cas des relations avec les salariés car les DRH et les directeurs de la communication interne préfèrent des propos validés. Néanmoins, depuis 20 ans, ils utilisent les vidéos pour communiquer avec les collaborateurs.

Toutefois, le numérique se vocalise depuis 3 ans. Les assistants vocaux et les podcasts connaissent un succès auprès du grand public. Selon l ’étude sur l’oralité en entreprise réalisée durant l’automne 2020, la moitié des Français consomment des podcasts chaque semaine. Les premiers consommateurs de podcasts en France sont les DRH et les cadres supérieurs. 70 % en écoutent chaque jour. 59 % des salariés en consomment. Par ailleurs, la communication orale dans la vie professionnelle est considérée comme très importante en entreprise pour 54 % d’entre eux, en particulier depuis la crise du Covid. Selon eux, elle facilite la diffusion de l’information, les échanges informels, les relations sociales et la cohésion. De plus, l’oralité est considérée comme le premier outil de travail indispensable pour la gestion du travail.

La crise du Covid a aussi accéléré le recours aux visio-conférences qui se pratiquent de plus en plus en audio seul. Et désormais, si seuls 15 % des salariés déclarent que leur entreprise produit des podcasts, 80 % en souhaitent plus car ils trouvent la communication pédagogique (85 %), stimulante (82 %) et efficace (82 %), et cela leur permet d’être plus engagés (70 %).

Par ailleurs, les médias audio permettent d’informer les collaborateurs, très rapidement et d’humaniser le discours (ce qui est moins évident par écrit). Communiquer par le son renforce, en effet, l’impression de sincérité.

De nombreux types de podcasts existent : certains liés à des événements spécifiques (la nouvelle année, la rentrée), d’autres thématiques (des sujets-clés, propres à la culture d’entreprise et à ses valeurs) ou stratégiques. Les employés (de départements / services différents) peuvent aussi mieux se connaître.

Des indicateurs aux inégalités homme-femme dans les médias

Les indicateurs ont évolué dans les médias avec la crise sanitaire. Xavier Eutrope, journaliste, François Quinton, rédacteur en chef de La Revue des médias et Laëtitia Larcher, Chargée de mission en documentation et valorisation, ont analysé comment les médias ont rendus compte oralement la crise sanitaire dans les plages horaires de forte audience de six médias audiovisuels français (TF1, France 2, BFMTV, franceinfo:, France Inter et RTL) entre le 21 janvier 2020 et le 31 août 2021.

Depuis son apparition sur franceinfo, le 12 janvier 2020, et surtout à partir du 22 février (premiers décès en Europe), l’évolution de l’épidémie provoquée par le nouveau coronavirus a été principalement traitée, dans les médias audiovisuels, à travers le nombre de décès : de l’ordre de 30 % sur BFMTV et franceinfo et jusqu’à près de 44 % chez RTL.

Le nombre de tests effectués, représentant jusqu’à 22 % des termes employés sur TF1, a été aussi une variable observée. Cinq des six chaînes ont pris le nombre de cas comme troisième indicateur (entre 14 % et 19 %). Seule BFMTV s’est davantage intéressée au nombre de personnes vaccinées (15 %).

Au cours de l’année 2020 — particulièrement au premier semestre, période de médiatisation la plus intense — que le nombre de morts supplante les autres indicateurs. À partir du mois de mai, le nombre de décès est brusquement, et définitivement, beaucoup moins cité (de l’ordre de 3 à 5 fois moins selon les chaînes). A partir du 8 avril 2020, les médias s’intéressent aux vacances d’été et aux conséquences économiques de la crise.

Dès le mois de juillet 2020, le nombre de morts est supplanté sur TF1 par le nombre de cas, et sur France 2 par le nombre de tests réalisés. Entre-temps, et à la suite du lancement de la campagne de vaccination (le 27 décembre 2020), le nombre de personnes vaccinées devient l’indicateur phare dans les deux plus grands rendez-vous d’information télé.

En revanche, la radio continue à privilégier le nombre de décès comme indicateur clé mais avec une intensité moindre. France Inter accorde davantage d’importance au nombre de tests (indicateur n°2), et apparaît comme la chaîne qui l’évoque le moins, en proportion. Sur RTL, le nombre de personnes vaccinées occupe la 2e place.

Selon Hélène Romeyer, enseignante-chercheuse à l’université de Bourgogne-Franche-Comté, les journalistes ont suivi la communication gouvernementale, qui concernait au début le nombre d’hospitalisations et de morts. Au bout de quelques semaines, les points de situation quotidiens de la direction générale de la santé (DGS) ont donné une plus grande place aux tests.

Néanmoins, certains événements ont pu favoriser l’utilisation ponctuelle de tel indicateur. Le franchissement de la barre symbolique des 100 000 morts en France, à la mi-avril 2021, a ainsi offert une visibilité accrue, mais très temporaire, au nombre de décès attribuables au Covid-19. Pour Nicolas Berrod, journaliste au Parisien, qui s’est spécialisé dans le suivi de la pandémie, la comparaison avec les stratégies vaccinales effectuées dans le monde, explique, en partie, l’importance accordée par les médias audiovisuels au suivi du taux de vaccination à partir du mois de janvier 2021.

En outre, les admissions en réanimation et les hospitalisations sont le plus souvent citées lorsque les hôpitaux apparaissent débordés ou sur le point de l’être — moments qui précèdent les périodes de confinement, que ce soit au printemps 2020 ou à l’automne 2021.

Par ailleurs, le taux d’incidence (nombre de nouveaux cas sur sept jours pour 100 000 habitants) n’est apparu médiatiquement qu’à la fin du mois d’août 2020, lors du regain épidémique et des débats sur la réouverture des classes dans les écoles. L’été a aussi joué un rôle dans la chute de certains indicateurs.

Enfin, plusieurs indicateurs n’ont quasiment jamais été cités oralement dans les médias audiovisuels : la présence du virus, le R0, le taux de dépistage, le taux de positivité, ou le nombre de guérisons.

Les inégalités entre les hommes et les femmes existent dans les médias. Pour le site Internet de The Conversation, Sandy Montañola, Maîtresse de Conférences, Béatrice Damian-Gaillard, Professeure des universités et Eugénie Saitta, Maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication de l’Université de Rennes 1 étudient les inégalités homme et femme dans les médias. Ainsi, en 2011, 86,3 % des emplois journalistiques à temps partiel en France étaient occupés par des femmes.

En 2019, les femmes étaient nombreuses parmi les pigistes (53,2 %) et les journalistes employés en CDD (53 %), alors qu’elles ne représentaient que 47,3 % de l’ensemble des journalistes détenteurs de la carte de presse.

De plus, les logiques d’organisation du travail limitent également l’accès des femmes aux positions dominantes du journalisme et favorisent leur affectation à des sujets, des thématiques et des rubriques jugées comme féminines ou dépréciées au regard des valeurs professionnelles. Ainsi, les femmes employées en CDI restent minoritaires dans les positions de direction et d’encadrement, même si leur part y a progressé.

Par ailleurs, l’organisation du travail reproduit une vision masculine de l’excellence journalistique en valorisant certains types d’engagement professionnel (la passion du métier, une disponibilité totale, …).

En outre, Julie Sedel, autrice de « Dirigeants de médias. Enquête sur un groupe patronal » note que sur les 93 dirigeants de médias en poste en 2016 et en 2014 dans 60 médias d’information générale et politique français (presse écrite, audiovisuelle et en ligne), 14 % étaient des femmes. La majorité d’entre elles avait une activité dans l’audiovisuel public et leur nomination étant due aux politiques de promotion de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les dispositifs adoptés en la matière dans ce secteur médiatique.

Plusieurs facteurs expliquent cette situation : les logiques d’homosocialité (qui tendent à privilégier les relations sociales entre hommes) et de cooptation au masculin, une confiance moindre dans les compétences des journalistes femmes de la part des rédacteurs en chef et, surtout, la division sexuée du travail domestique et ses effets. Ainsi, la charge du soin aux enfants et aux personnes dépendantes sont plus importantes sur les femmes. De plus, leur rapport au temps les conduit à gérer efficacement leur présence au travail et à moins participer aux moments informels qui se déroulent à des horaires atypiques (moments de convivialité lors de pauses ou en fin de journée). Or au cours de ces réunions, s’échangent des informations stratégiques sur les postes, les sources d’information, et se négocie l’obtention de promotions, par exemple.

Enfin, des recherches révèlent que l’entrée dans la profession et les carrières journalistiques des femmes sont davantage limitées lorsque les critères de recrutement sont peu explicites (absence de fiche de poste, promotion sans concours formalisé…).