MEDIA, FAKE ET ENVIRONNEMENT

MEDIA, FAKE ET ENVIRONNEMENT

Les consultations des médias en ligne par les Français, les deepfakes, le traitement médiatique de l’environnement et le rapport entre la science, la politique et les médias : voici les sujets de la revue de web en cette fin d’année.

De l’information en ligne aux deepfakes

Les Français s’informent avec différents médias en ligne. Pour le site Internet The Conversation, Laurent Cordonier, sociologue – Docteur en sciences sociales à l’Université de Paris et Aurélien Brest, doctorant en sciences cognitives à l’Université de Bordeaux commentent leur étude « Comment les Français s’informent-ils sur Internet ? Analyse des comportements d’information et de désinformation en ligne » réalisée pour la Fondation Descartes. L’intégralité de cette étude est, d’ailleurs, diffusée sur le site de la fondation. Les chercheurs décryptent la façon dont les Français consomment de l’information sur Internet. Grâce à une méthode innovante, ils ont suivi durant 30 jours consécutifs – du 20 septembre au 19 octobre 2020 – le parcours informationnel sur Internet de 2 372 personnes majeures résidant en France, choisies de façon à constituer un échantillon représentatif de la population. Au terme des 30 jours de l’étude, ils ont transmis aux participants un questionnaire les interrogeant sur les sources d’information en ligne qu’ils consultent et sur la fréquence de cette consommation. Ainsi, 1 614 des participants ont accepté de répondre à ce questionnaire.
Les participants consacrent seulement moins de 5 minutes par jour de connexion à Internet pour les sites d’information. Les sources d’information les plus consultées sont la presse papier régionale. Puis les sites d’actualité sportive occupent la seconde position du temps consacré par les participants à s’informer en ligne. Après, les sources en ligne de la presse papier nationale se placent en troisième position de ce classement. Enfin, les agrégateurs de médias arrivent en quatrième position, suivis par les autres sources d’informations généralistes.
26 premières sources d’information en ligne les plus consultées totalisent, à elles seules, 40 % du temps que les participants accordent à l’information en ligne. Ce « top 26 » est constitué de sources Internet de médias traditionnels (Le Figaro, Ouest France, France Info, 20 Minutes, Le Parisien, Le Monde…) mais Wikipédia est la source d’information consultée par le plus grand nombre de participants.
En outre, 39 % des participants ont consulté des sources d’information jugées non fiables au cours de l’étude. Ils y ont passé en moyenne 11 % de leur temps quotidien d’information sur Internet, soit 0,4 % de leur temps total de connexion. Les sources de désinformation les plus visitées sont les sources généralistes non fiables, suivies des sources « pièges à clics » et des sources de désinformation en santé.

Les fakes vidéos et photos peuvent être réalisés digitalement de manière réaliste. Estelle Raffin, journaliste du Blog du Modérateur, relate qu’à l’occasion de la Digital Tech Conference 2021, trois experts ont échangé sur les deepfakes ou l’art de manipuler des photos ou vidéos de façon hyperréaliste.
Ainsi, Laurent Amsaleg, directeur de recherches et responsable de l’équipe Linkmedia et Alain Droniou, doctorant à l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique, nous éclairent un peu plus sur le monde des deepfakes lors d’une conférence de la Digital Tech, animée par Arnaud Wassmer.
Selon Amine Kacet, ingénieur au laboratoire IA de l’IRT B<>com, le deepfake ou l’« hypertrucage » est créé avec une technique de synthèse multimédia basée sur l’intelligence artificielle.
Plusieurs catégories de deepfakes existent. Le face swap consiste à superposer le visage sur celui d’un autre, d’une façon ultraréaliste. La synthèse intégrale permet, quant à elle, de créer une photo d’une personne qui n’existe pas. On demande alors à la machine de produire un visage ultraréaliste. Autre type de deepfake : ne changer que certains traits du visage ou certains attributs du visage (couleur de cheveux, par exemple) sur la photo originale d’une seule personne. Il est aussi possible de prendre l’apparence d’une autre personne sur une vidéo.
Laurent Amsaleg précise, quant à lui, qu’avec la synthèse intégrale, les deepfakes résultent de « l’apprentissage profond », une façon de faire de l’Intelligence Artificielle. Les visages sont alors générés grâce à la machine qui a appris les caractéristiques d’un visage humain à travers un système algorithmique pointu. Amine Kacet remarque aussi qu’il est possible de produire des visages de résolution HD (1024×2024). Enfin, des bases de données constituées sur des expressions de visages humains, permettent de détecter plus facilement les deepfakes.

Les médias, la politique et les sciences

L’environnement est également un sujet abordé sur le site Internet de The Conversation. Luciana Radut-Gaghi, Maître de conférences HDR en sciences de l’information et de la communication, à CY Cergy Paris Université, analyse les liens entre la politique, les médias et la science dans le cadre de la COP26. Selon l’expert, les discours politiques tenus lors de l’ouverture de la COP de Glasgow ont été très encourageants et alertes. Mais Luciana Radut-Gaghi note que dans les discours de certains politiques, il n’y a pas de référence aux travaux et avancées scientifiques. Or 2021 a été l’année de publication d’un rapport du GIEC particulièrement alarmant. Depuis l’été dernier, les politiques l’ont largement évoqué dans leur communication.
Deux interprétations peuvent expliquer cette absence de référence à la science dans les déclarations politiques de la COP26. La première souligne le consensus autour des résultats et avancées scientifiques à propos du réchauffement climatique. Quant à la seconde, elle porte sur le fait que les décideurs présents aux COP ne veulent pas aborder politiquement la controverse sur l’interprétation des résultats de recherches sur le climat.
À l’avant-dernière heure de la COP26, le 11 novembre dernier, 200 climatologues ont fait leur entrée sur cette scène internationale par une lettre ouverte : avant de prendre des décisions politiques, il est impératif de revenir aux résultats des rapports GIEC auxquels ont participé des milliers de scientifiques. Sinon, aucun engagement politique et économique ne peut être pertinent.
En étudiant les versions en ligne de quelques grands quotidiens européens, le chercheur constate que Le Monde, Le Figaro, Corriere della Sera, La Repubblica, The Guardian, Libre Belgique, Romania Libera et Adevarul ont couvert la COP26. Ils ont rendu compte de cet évènement avec des « live » à la manière des télévisions, de comptes-rendus quotidiens (Le Monde), avec des onglets dédiés (Corriere della Sera), des analyses, des entretiens ou des articles informatifs… Ils ont aussi fourni des explications ou analyses basées sur des recherches et résultats scientifiques. The Guardian s’est adressé directement aux lecteurs pour demander une contribution financière, s’appuyant sur cet argumentaire : « Alors que le monde entier a les yeux rivés sur le sommet crucial des Nations unies sur le climat, le Guardian vous présente les faits, les négociations, les nouvelles et la science. »
Selon l’expert, la science craint les médias car la scène médiatique est accaparante et impulsive. Quant aux politiques, ils sont méfiants car les médias conditionnent leur présence publique. Le public est, lui, de plus en plus autonome par rapport aux sources d’information. Toutefois, le niveau de l’appropriation publique de la science est aujourd’hui solidement établi.


Bonne fin d’année ! Bonne fête !