INFORMATION, FICTION ET VISIOCONFERENCE

INFORMATION, FICTION ET VISIOCONFERENCE

L’information scientifique, la représentation du journaliste dans les fictions, le ressenti des visioconférences par les salariés et le travail dans le Monde d’Après : voici les thèmes de cette revue de web automnale.

L’information scientifique et le journaliste

L’information scientifique doit être décryptée au grand public. Pour le site Internet de Futura Sciences, Étienne Klein, Ingénieur Physicien a rédigé un éditorial instructif à l’occasion des 20 ans de Futura. Il constate que le grand public reçoit une quantité importante d’informations relayées au plus vite par les médias et les réseaux sociaux. Il note que les leçons de la mise en scène médiatique des sciences et de la recherche durant la pandémie doivent être tirées. Cette crise doit être l’occasion de dévoiler au public la méthodologie scientifique : ses tâtonnements, ses avancées, ses multiples biais, ses protocoles, ses erreurs, ses succès. Mais selon lui, il faut aussi expliquer de manière pédagogique ce qu’est un essai en double aveugle afin d’évaluer l’efficacité d’un supposé traitement, la bonne utilisation des statistiques ou des probabilités, la différence fondamentale entre coïncidence, corrélation et causalité, ou les véritables caractéristiques de la « fonction exponentielle », médiatiquement fort employée.

Étienne Klein regrette les désaccords entre différentes personnalités qui s’expriment assurément en dehors de leurs compétences. Certains accordaient à leur « ressenti » un crédit si élevé qu’ils parvenaient à répondre d’un simple coup de phrase à des questions très complexes.

Si une partie du public juge désormais que la science serait une simple affaire d’opinions qui s’affrontent sans jamais converger. De plus, cette tendance à avoir un avis sur tout, et à le répandre largement, se développe fortement grâce aux réseaux sociaux. Elle véhicule l’idée que la science ne serait qu’une croyance parmi d’autres.

Lorsqu’un scientifique intervient dans les médias, il devrait dire : « Nous savons que, et nous nous demandons si ». Les sciences représentent des corpus de connaissances. Mais ces connaissances incomplètes soulèvent des questions comme Existe-t-il une vie extra-terrestre ? Répondre à de telles questions dont les réponses ne sont pas connues des scientifiques, c’est le but de la recherche.

Les technologies numériques collaborent surtout à l’avènement progressif mais étonnamment rapide d’une nouvelle condition de l’individu contemporain : dès lors qu’il est connecté, celui-ci peut désormais créer son propre monde depuis son smartphone en choisissant les communautés numériques qui lui correspondent le mieux. En retour, il est partiellement façonné par les contenus qu’il reçoit en permanence.

Ainsi, les connaissances scientifiques ont de plus en plus de mal à se diffuser et à conserver leur statut spécifique. Selon Etienne Klein, il faut augmenter l’effort de vulgarisation des sciences.

Le journaliste inspire les fictions. Sur le site Internet de la Revue des Médias, Alexis Lévrier, Maître de conférences à l’université de Reims, remarque que depuis son avènement au XVIIe siècle, la presse est l’objet d’une véritable obsession dans les œuvres de fiction et donne lieu à des fantasmes opposés. Du théâtre au cinéma, en passant par le roman, les séries ou la BD, la profession de journaliste suscite, quelle que soit l’époque, un mélange d’admiration et de détestation.

Dès la naissance des premières gazettes, des comédies mettent en scène l’univers de la presse dans plusieurs pays d’Europe. Le métier de journaliste y est souvent décrit comme une profession infamante, exercée par des êtres dépourvus de talent et sans scrupule. Au siècle suivant, des romans dépeindront à leur tour la presse comme un milieu qui broie les talents, valorise les bassesses et favorise la corruption. Au XXe siècle, l’apparition du cinéma permet d’inventer de nouvelles façons de critiquer le journalisme. Le cinéma représente le milieu des médias où tout est bon pour réussir, où le spectacle règne, et où les reporters renoncent à toutes les règles de déontologie. Les séries télévisées véhiculent aussi cette image.

Mais, depuis l’arrivée du reportage dans la seconde moitié du XIXe siècle, des héros positifs supplantent parfois dans l’univers de la fiction les personnages de journalistes corrompus. Le prestige de ce genre journalistique auprès du grand public a entrainé le développement d’un imaginaire attractif dans la culture populaire : un enquêteur surdoué, ou comme un aventurier capable de tous les exploits.

Certaines œuvres de fiction s’intéressent à la fabrication du journal. Elles représentent en effet la mise en page, la composition et l’impression du journal. Elles mettent en scène le travail d’une rédaction, et le labeur souterrain des ouvriers qui permettent la parution du journal.

De la visioconférence au Monde d’Après

La pandémie a développé l’utilisation des visioconférences mais le salarié l’apprécie de moins en moins. Sur le site Internet de Courrier Cadres, le journaliste, Fabien Soyez, dévoile les résultats d’une récente étude d’Atlassian sur la collaboration numérique : selon un salarié sur deux, son temps de travail pourrait être utilisé plus efficacement que lors de visioconférences.

Depuis la crise du Covid-19, 45 % des salariés français consacrent près de 5 heures par semaine en visioconférence, et pour 16 % d’entre deux, ce temps représente même 5 à 10 heures par semaine.

Mais 44 % des sondés disent qu’ils pourraient utiliser plus efficacement jusqu’à un tiers du temps passé en visioconférence, pour 21 % des participants, cela représente même la moitié du temps voire plus.

Selon l’étude Collaboration Maturity Survey, près d’un salarié français sur deux est “lassé” par les visioconférences. L’enthousiasme originel pour cette alternative aux réunions physiques cède peu à peu la place à de la résignation. Si 46 % des sondés considèrent toujours que ces appels sont nécessaires, certains trouvent ces réunions virtuelles trop longues (20 %), voire fastidieuses (12 %). Selon eux, les visioconférences ne sont pas assez optimisées en termes de contenu (13 %)”.

Néanmoins, les salariés expriment une volonté d’étendre la gamme d’outils numériques à leur disposition, pour gagner en efficacité. Ils s’intéressent notamment aux solutions de gestion des connaissances (14 %) ou de gestion de projet (14 %) afin de renforcer la collaboration. En revanche, 16 % souhaitent un intranet social ou une messagerie instantanée en complément de la visioconférence, “pour une communication interne fluide, allant au-delà des appels vidéo”. Les fonctionnalités de partage de document et de coédition sont aussi considérées importantes par 46 % des sondés.

En mars 2021, des études des chercheurs ont montré que les plates-formes de réunions virtuelles (Zoom, Teams, Meet et Skype) peuvent entraîner des problèmes de santé psychologique. Des réunions en visio sans fin peuvent ainsi créer chez les télétravailleurs une “surcharge non verbale”. En outre, les chercheurs proposent de réduire la durée des réunions (45 minutes maximum) ; et dans le cas où plusieurs visioconférences se succèdent, de permettre aux participants de se reposer au moins 10-15 minutes entre deux visioconférences. Par ailleurs, ils conseillent de remplacer certaines réunions vidéo par des conférences téléphoniques. Elles sont recommandées surtout quand l’objectif est de partager ou de traiter des informations, et que les interlocuteurs se connaissent depuis longtemps.

La crise du Covid a remis en question le milieu de travail. Sur le site internet de The Conversation, Aurélie Dudézert, Full Professor à l’Institut Mines-Télécom Business School et Florence Laval, Maître de conférences à l’IAE de Poitiers, ont constaté que la crise du Covid-19 dans le monde du travail a entraîné un discours sur le thème du « rien ne sera plus comme avant » dans le « monde d’après ». La confrontation aux risques sanitaires, la nécessité de distanciation sociale et le recours aux technologies de l’information pour exercer une partie des activités laissaient alors imaginer un réenchantement du travail autour d’une nouvelle normalité du management post-Covid qualifié par les cabinets de conseil de « new normal ».

Alors que les contraintes sanitaires diminuent progressivement dans de nombreux pays, les expertes se penchent sur comment les entreprises abordent cette nouvelle normalité aujourd’hui. Selon leur étude réalisée auprès de 500 professionnels entre mars 2020 et avril 2021, l’ère « post-Covid » se caractérise par une phase de désillusion chez les salariés et les managers.

Dans le feu de l’action, avec la levée des contraintes liées à la crise sanitaire et à la nécessité de relancer l’activité, les chefs d’entreprise et managers ont tendance à oublier ce que la crise du Covid-19 a créé comme expériences et attentes chez les salariés.

Entre les printemps 2020 et 2021, la crise a entrainé trois phases émotionnelles chez les collaborateurs : une phase d’exaltation, puis une phase de traumatisme et enfin une phase de désillusion.

Lors du premier confinement, l’exaltation domine dans les discours après la stupeur. Les salariés et managers pensaient que la contrainte de la crise pousserait les directions, les responsables hiérarchiques et la gestion des ressources humaines (GRH) à remettre en question leurs pratiques et à améliorer le management d’avant la crise.

La deuxième phase lors du deuxième confinement, est celle du traumatisme. Elle se caractérise par la prise de conscience des effets contraignants de la pandémie et des enjeux à long terme pour le mode de vie en entreprise. Selon les répondants, la crise aggrave ce qui n’allait déjà pas dans le management. En l’espace de neuf mois, les personnes interrogées ne croient pas que la crise pourrait faire évoluer le management et 67 % déclarent que la crise ne change rien, ou qu’elle aggrave les dysfonctionnements, contre 45 % dans la première phase.

Enfin, sur une troisième période (février à avril 2021), une idée domine : cette crise va durer et le changement est irréversible. Les salariés attendent alors un cadrage de la reprise de l’activité redéfinissant la place de chacun en tenant compte des acquis et apprentissages de la crise. Cependant, ils n’ont plus d’illusions par rapport à l’écoute de leurs attentes de la part de l’organisation.

Les salariés recherchent des solutions pour pouvoir exercer leur travail face à une organisation ressentie comme disloquée et désorganisée, soumise aux changements moins importants et réguliers du contexte sanitaire.

Dans ce cadre, les modalités de travail informelles se recomposent et se caractérisent par une forme de repli sur soi.

La crise du Covid-19 a donc été une épreuve pour les salariés. Enfin, elle aura rappelé les fondamentaux de l’entreprise : pourquoi et pour quoi un groupe d’individus ont-ils choisi, à un moment donné, de travailler ensemble dans une structure ?