REVUE DE WEB AVRIL

REVUE DE WEB AVRIL

Communication, chercheur, journalisme et Elon Musk : voici les thèmes abordés de cette revue de web en avril.

De l’innovation à la controverse

Si un entrepreneur innovant peut forger sa légende, ses réalisations doivent être des réussites. Sinon, sa communication peut être à double-tranchant. Sur le Blog du Communicant 2.0, Olivier Cimelière décortique la communication d’Elon Musk, le milliardaire geek. En 15 ans grâce à une communication originale, Elon Musk a développé la notoriété mondiale des entreprises dans lesquelles il a investi : Tesla, Space X, Solar City et Hyperloop. En 2002, PayPal, le système de paiement en ligne dans lequel il possède des parts, fait l’objet d’une acquisition record de 1,5 milliards de dollars par la plateforme de vente et d’enchères en ligne eBay. Cette transaction lui permet d’encaisser un chèque de 180 millions de dollars et lui permet alors de façonner sa légende de disrupteur. Il réinjecte cette somme dans trois projets ultra-ambitieux : 100 millions à Space X, un lanceur de véhicules spatiaux réutilisables, 70 millions dans Tesla, une marque automobile électrique et 10 millions dans Solar City, une structure pour déployer les panneaux solaires à très grande échelle.

En s’attaquant en même temps à trois secteurs d’activités très friands en capitaux avec des acteurs historiques d’envergure, Elon Musk attire les médias avec ce triple pari courageux. En 2012, il continue ses prises de risque en créant Hyperloop, un projet de train supersonique ralliant Los Angeles à San Francisco en 30 minutes grâce à la lévitation magnétique. Dans tous ces chantiers ambitieux, il veut repousser les limites de la technologie tout en ajoutant une mission sociétale et environnementale. Avec ces fondamentaux, Elon Musk construit sa propre légende et ses marques. Chaque avancée enregistrée fait l’objet d’une communication millimétrée où le côté spectaculaire et franc-tireur est systématiquement recherché. De plus, avec Twitter, il communique en toute liberté. Ainsi, il n’hésitera pas à se disputer avec le New York Times ou à réserver la primeur de ses annonces sur son compte Twitter personnel pour lancer un nouveau modèle de Tesla. Le buzz qui suit ses tweets a permis à Tesla d’éviter des canaux de communication traditionnels. Charles Delaville, responsable de la communication de Tesla France remarque : « Nous avons choisi de ne pas faire de publicité pour plusieurs raisons : tout d’abord, parce que nous estimons que nous disposons d’un produit qui parle tout seul, que nous avons juste besoin de montrer ».

En 2013, la marque automobile connait plusieurs crises avec le Model S qui s’est embrasé à trois reprises. Elon Musk développe une communication de crise : les accidents sont reconnus et entraînent des améliorations mais ils les recontextualisent habilement en « soulignant à juste raison que le Model S provoque moins d’incendies que n’importe quel véhicule à essence (dans un rapport de 3,5) et que les trois feux qui ont endommagé des Model S ont été cantonnés à l’avant de la voiture – contrairement à ce qui se passe dans les autres véhicules – du fait de sa conception spécifique destinée, précisément, à limiter les risques pour les passagers ».

Par ailleurs, Charles Delaville déclare : « Elon Musk contribue à l’image de Tesla parce qu’on peut employer à son égard les mêmes termes que pour la marque : une entreprise innovante, qui casse les codes, refuse les compromis et le statu quo, rebat les cartes d’une industrie séculaire avec la volonté de partir d’une page blanche pour repenser la mobilité électrique ».

Le côté provocateur d’Elon Musk présente des risques si les engagements et les promesses répétées auprès des clients, des investisseurs et des analystes financiers, ne produisent pas des effets rapidement. La communication peut accroître l’impact qu’un dirigeant souhaite avoir sur ses communautés mais elle doit ensuite valoriser les réalisations. En l’absence de ces dernières, il peut avoir un effet boomerang…

La science est le lieu des controverses. Pour le site internet de The Conversation, les neuroscientifiques de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, Bassem Hassan, directeur de l’équipe Développement du cerveau et Alexandra Auffret, directrice des affaires scientifiques et médicales, notent que la controverse est un processus sain qui conduit à l’explication scientifique des choses. L’objectif principal : obtenir un consensus, un accord. La controverse ne peut être résolue que par de nouvelles expériences et de données qui alimentent d’autres discussions… La conclusion : des preuves soutiennent une interprétation scientifique en particulier. Le processus de réflexion critique joue un rôle important en science et la controverse scientifique est essentielle afin d’atteindre un accord sur de nouveaux concepts. Elle peut également mener à l’apparition de nouveaux champs de recherche.

Quant à la polémique, elle est un processus destructeur où la raison du désaccord est l’idéologie ou les intérêts économiques. Ce processus entraîne du doute qui est ensuite employé afin de discréditer le consensus scientifique. Il discrédite souvent les scientifiques en affirmant qu’ils ont des conflits d’intérêts et en entraînant une guerre d’information hypermédiatisée. Son objectif principal : être le terreau de l’obscurantisme. Les doutes peuvent aussi amener à la peur. Ce processus ralentit le progrès et une action publique rationnelle.

Afin que la science soit un outil plus efficace de bien-être social, au moins dans une démocratie, il faut que les décideurs et le public soient correctement informés et fassent la différence entre fait scientifique et fiction, entre controverse et polémique.

Pour informer les personnes responsables des politiques publiques, le lobbying peut jouer un rôle important et peut être motivé par des objectifs positifs et la vérité scientifique.

Au-delà d’informer les décideurs, il est primordial que le public soit scientifiquement averti et bien informé. Grâce aux médias et la digitalisation, le public peut consulter une multitude d’informations et de connaissances. Mais ces informations n’est pas suffisamment accompagné des outils analytiques permettant au grand public de faire la différence entre les faits et la fiction.

En outre, les scientifiques spécialistes dans un domaine particulier sont les principaux experts sur le sujet. Ils peuvent donner une opinion solide basée sur des preuves objectives. L’avis scientifique permet, en effet, de construire un consensus. 3 avantages principaux à l’implication des scientifiques dans le débat public : s’assurer de la présentation mesurée et nuancée des découvertes, expliquer la nature souvent controversée des nouveaux résultats et communiquer clairement sur la complexité du processus d’une découverte scientifique. 3 désavantages sont à distinguer. Premièrement : les scientifiques sont spécialistes d’un aspect très spécifique de leur domaine. Si l’expertise scientifique est un avantage évident, le danger existe qu’un scientifique soit tenté ou poussé à donner son opinion au-delà de son champ d’expertise. De plus, avec leurs opinions personnelles, les scientifiques pourraient participer, volontairement ou involontairement, à la naissance d’une polémique.

Enfin, tous les scientifiques ne sont pas de bons communicants, ce qui peut conduire à plus de confusion que de clarté. La mise en place des outils de formation en communication pourrait faciliter les scientifiques à intervenir plus activement auprès du public. En outre, une vision plus vaste d’une question scientifique requiert le point de vue de plusieurs experts.

Enfin, un corrélat important de l’implication des scientifiques dans le débat public est l’exemple des politiciens possédant une formation scientifique. Leurs priorités et impératifs ont évolué avec leur carrière politique. Ces éléments auront des conséquences sur leurs conclusions, qui interféreront avec les conclusions de la communauté scientifique aux yeux du public. Mais placer le scientifique au cœur du débat public et du relais médiatique de l’information mettra inévitablement en avant le profil de certains scientifiques adeptes de la communication.

Image et immersion

Les chercheurs doivent aussi savoir utiliser les images. En collaboration avec les youtubeurs de Balade mentale, l’équipe du site d’actualité scientifique et technologique de l’Institut Mines-Télécom et de ses écoles, a diffusé une vidéo pédagogique à destination des chercheurs montrant comment un visuel adapté peut être un levier majeur pour diffuser les sciences au plus grand nombre. Si les chercheurs sont régulièrement encouragés à produire des contenus vulgarisés, l’image n’est pas souvent mise en avant. I’MTech propose donc à ses chercheurs de concevoir leurs propres visuels pour illustrer leurs travaux de diffusion des connaissances.

« Les frontières entre littérature, journalisme et sciences sociales sont parfois assez floues pour que ces disciplines pourtant différentes dans leurs finalités partagent la même boîte à outils » note Loïc Ballarini, maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine sur le site Internet de The Conversation. Il est vrai que certains sont tantôt écrivain, tantôt journaliste, tantôt sociologue. Robert Ezra Park en est un exemple car il exerça le métier de journaliste aux États-Unis avant de devenir un des fondateurs de l’École de Chicago, principalement dans le développement de la sociologie outre-Atlantique.

Cette volonté d’observation et d’analyse du réel se retrouve dans l’École de Chicago avec l’observation participante. Cette idée d’une recherche sur le terrain en sciences sociales, empruntée autant au journalisme qu’à l’ethnographie et à l’anthropologie, devient alors pertinente lors de travaux d’observation au sein de champs (au sens bourdieusien du terme) particuliers et inhabituels, voire étrangers pour le sociologue. Face aux étudiants du Master journalisme et médias numériques de Metz, Jacques Walter, professeur en sciences de l’information et de la communication et directeur du Centre de recherche sur les médiations (Crem) de l’Université de Lorraine, explique la pertinence de l’utilisation de cette méthode d’observation universitaire dans le travail journalistique. Il appuie sa démonstration principalement sur deux livres : En Immersion, dirigé par Pierre Ledoux et Érik Neveu (Presses Universitaires de Rennes, 2017), et Le Quai de Ouistreham (Éditions de l’Olivier, 2010), enquête au cours de laquelle la journaliste Florence Aubenas s’est mise dans la peau d’une chercheuse d’emploi sans qualification. Elle a ainsi pratiqué l’observation participante, s’installant à Caen dans un petit appartement et recherchant un emploi pour vivre au plus près de la « crise » et en comprendre ses effets sur le marché du travail et les demandeurs d’emploi.

Journalistes, romanciers, universitaires et chercheurs en sciences sociales partagent cette méthode d’observation participante et contribuent à créer des échanges de pratiques et de visions entre ces disciplines. Avant d’être codifié et enseigné, le journalisme était l’outil d’expression de lettrés, écrivains, avocats ou universitaires qui décrivaient la réalité dans les gazettes, périodiques de nouvelles politiques, littéraires et artistiques. Le journalisme était alors l’apanage de métiers de plume jusqu’au début du XXe siècle, où sont apparues les premières écoles de journalisme en France.