REVUE DE WEB JUILLET

REVUE DE WEB JUILLET

La prise de parole, le code vestimentaire dans l’entreprise, les relations entre les médias et les lecteurs et des lectures d’été : voici les thèmes de cette revue de web estivale.

De l’IA au dress code

Pour le site Internet de Harvard Business France, Mickael Cabrol, PDG et fondateur d’Easyrecrue, spécialiste européen dans le domaine de l’acquisition digitale de talents, Chloé Clavel, professeure en informatique affective au Laboratoire de Traitement et Communication de l’Information (LTCI) de Télécom ParisTech et Jean-Claude Martin, professeur en sciences informatiques à l’université Paris-Sud, directeur du groupe de recherche « cognition, perception et ergonomie », au Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur LIMSI-CNRS, se sont penchés sur les logiciels d’intelligence artificielle permettant d’améliorer sa prise de parole en public.

La prise de parole est liée à celle du pouvoir. Elle serait une des deux compétences les plus recherchées dans le monde de l’entreprise. Les auteurs de l’article ne conseillent pas de faire appel aux coachs mais à l’IA pour améliorer ses prises de parole car elle présenterait d’autres atouts comme la disponibilité, la portabilité et l’objectivité.

L’intelligence artificielle automatise l’analyse et le décryptage de la communication. Grâce aux progrès de l’informatique affective (ou l’intelligence artificielle émotionnelle) qui est l’étude et le développement de machines pouvant reconnaître des comportements humains, et l’application des théories en psychologie sociale, des outils peuvent faire un retour automatisé sur les gestes parasites, les mimiques, les tics de langage pour être plus impactant dans sa communication orale lors de présentations ou d’entretiens d’embauche. Ainsi, avec l’application ROC Speak développée par l’Université de Rochester, il est possible d’enregistrer une courte vidéo pour obtenir une analyse sur l’intensité du sourire, de la gestuelle et le volume de la voix. Automanner, également proposé par Rochester, détecte tout geste récurrent qui pourrait distraire l’auditoire. Enfin, un autre agent virtuel d’entraînement, le dispositif MACH, a été créé par le LIMSI et le MIT afin de s’entraîner à passer des entretiens d’embauche. Un agent conversationnel questionne le candidat et s’adapte automatiquement au comportement des candidats. Ceux-ci bénéficient ensuite d’un feedback visuel sur leur manière de s’exprimer.

Eeasyrecrue, société spécialisée dans le recrutement assisté par vidéo, a élaboré un algorithme de machine learning entraîné sur un échantillon de 7000 vidéos évaluées par plusieurs centaines de recruteurs. Il analyse le contenu verbal et non verbal des vidéos des candidats. Son but : émettre des recommandations aux recruteurs afin de trouver des meilleurs candidats. Réalisés par une équipe de data scientists et encadrés par un comité scientifique de chercheurs, ces travaux de recherche révèlent que la voix et le contenu verbal présentent une importance égale, mais que les expressions faciales sont un peu moins essentielles dans des vidéos d’entretiens différés qu’en entretiens de visu. La communication est également liée à certains instants : lors d’un entretien d’embauche, certains moments sont clés, comme la première impression et les signaux sociaux de prise et reprise de la parole qui auront des conséquences plus importantes sur la décision du recruteur.

L’algorithme développé tente donc de détecter des moments-clés pour mieux comprendre ce qui influence le recruteur. Ainsi, un sourire en début d’interaction, un pincement de lèvre en fin de réponse (signal social indicateur de stress) auront des conséquences plus importantes que les expressions faciales lors des différentes réponses. Pour la prosodie, les hésitations correspondent à des moments déterminants : l’attention se focalise alors sur ces temps de blanc et d’incertitude. Pour le contenu verbal, les mots-clés qui activent ou réactivent l’attention de l’auditoire occuperont une place significative : par exemple, le vocabulaire technique dans le cadre de recrutement.

La tenue vestimentaire peut aussi envoyer des informations sur l’orateur. Dans un article du site Internet The Conversation, Agnès Ceccarelli, Professeur Associé du département RH et Comportements organisationnels de l’ICN Business School, analyse les codes vestimentaires dans les entreprises. Les origines des dress codes qui sont un ensemble de règles vestimentaires, sont liées au contexte historique, social et culturel des organisations.

Quand les codes vestimentaires doivent respecter de règles explicites, le port de l’uniforme dans certaines institutions (armée, justice…) et/ou dans certaines professions (médecins, pilotes…) permet de crédibiliser la personne qui le porte et met en avant la fonction, l’autorité, la compétence, la maîtrise et l’excellence.

En outre, les dress codes peuvent être édictés par la loi. Le code du travail français indique ainsi que l’employeur peut exiger une tenue si la nature de la tâche à accomplir la requiert pour des raisons de : sécurité (BTP, industrie), hygiène (hôpitaux, restauration, agroalimentaire), image de marque (banque, assurance, luxe). Par ailleurs, un code vestimentaire précis peut être décrit dans les chartes, les règlements intérieurs des entreprises. Enfin, une entreprise a le droit d’exiger des vêtements propres et décents à son personnel. 

Plus généralement, dans des secteurs considérés comme plus « jeunes », « dynamiques », « innovants » ou « artistiques » (la high-tech, le digital, la communication, le marketing, les métiers créatifs), il est courant de s’habiller de manière décontractée. Selon, une étude éditée dans la revue Social Psychological and Personality Science, les personnes habillées de manière décontractée sont plus performantes pour des travaux demandant de la concentration ou nécessitant des capacités cognitives tels que la mémoire, la résolution de problèmes, le calcul.

Néanmoins, si des dress codes n’existent pas dans les organisations, des règles peuvent être implicites sous la forme de normes, de pratiques et d’usages. Les codes vestimentaires liés au domaine d’activité de l’entreprise, à sa culture, à ses valeurs et aux métiers se retrouvent toujours sous différentes formes.

Dans le style plus décontracté, des codes restent à respecter. Pour les employés travaillant uniquement à leur bureau, sans être en représentation et sans contrainte professionnelle particulière, le trio jeans/baskets/t-shirts doit néanmoins être élégant et décent. Quant au « T-shirt is the new suit », il permet de montrer la décontraction, la jeunesse, l’avant-gardisme, l’ouverture d’esprit et l’agilité qui correspondent à des organisations innovantes, disruptives, créatives, flexibles et attractives. Qui sait décrypter la tenue vestimentaire, en dit long sur l’organisation.

La confiance, cela se gagne et il peut y avoir quelques recettes… Pour le blog collectif de France Télévisions, Méta-Media, Maxime Loisel, chef de projet chez Datagif, une agence de design d’information et de conseil en stratégie numérique présente différentes stratégies pour recréer une relation de confiance entre les lecteurs et les médias après un benchmark de bonnes pratiques adoptées par des sites d’information du monde entier. Leur point commun : une approche plus transparente et plus inclusive avec les lecteurs. Il en ressort différents leviers. Le premier : mieux se présenter en tant que média. Chaque rédaction devrait mieux mettre en avant sa mission éditoriale et ses valeurs.

Parmi les solutions concrètes, figurent la création d’une zone « À propos » sur son site qui serait un manifeste éditorial et de slogans marketing d’incarnation des valeurs du média, en baissant son paywall en cas d’actualité pour privilégier le public, la mise à jour de l’organigramme avec les contacts et les portraits des journalistes et le développement des rendez-vous éditoriaux « incarnés » par un journaliste (rubriques, podcasts, vidéos, newsletters).

En outre, les médias devraient favoriser la transparence. Voici les pistes concrètes proposés par l’auteur : afficher ses règles déontologiques sur son site, mettre en place des déclarations d’intérêt pour les journalistes, expliquer plus le processus journalistique et les choix éditoriaux, valoriser certains métiers synonymes de qualité éditoriale (les reporters ou correspondants étrangers, proches du « terrain » ) ou de rigueur (les correcteurs), dévoiler les corrections éditoriales, différencier les articles d’actualité de ceux d’opinion, y compris sur les réseaux sociaux, présenter son modèle économique et son financement, distinguer visiblement les contenus publi-rédactionnels et les « liens sponsorisés ».

Par ailleurs, il est important de trouver les manières les plus pertinentes de réintroduire les citoyens dans le process éditorial. L’objectif : mieux connaître les lecteurs pour exprimer leurs points de vue tout en étant encadré, et prendre en considération leurs retours dans la vie du média.

Quelques solutions concrètes sont envisagées : mieux designer les espaces de commentaires, mettre en avant les meilleures contributions des lecteurs, s’organiser pour répondre aux feedbacks des lecteurs (rubrique dédiée, médiateur), développer des « tchats » avec les lecteurs sur l’actualité chaude, demander l’avis ou les idées des lecteurs sur des sujets d’actualité pour en faire des formats intéressants, ouvrir les conférences de rédaction au public parfois et s’appuyer sur les expertises des lecteurs pour des enquêtes.

Le lecteur et les médias

Pour approfondir ses connaissances ou alimenter sa réflexion sur le monde qui nous entoure, Eric Scherer, Directeur de la Prospective de France Télévisions et son équipe conseillent une première sélection d’ouvrages pour cet été sur leblog collectif de France Télévisions. Certains livres traitent plus de technologies et de ces répercussions. « AI Super-Powers : China, Silicon Valley and the new world order » de Kai-Fu Lee en est un exemple. Dans cet ouvrage, l’auteur explique comment les emplois seront touchés et indique la période à laquelle les changements liés à l’intelligence artificielle, devrait se produire. « The age of surveillance capitalism : the fight for a human future at the new frontier of power » de Shoshana Zuboff explique, quant à lui, les répercussions de l’avancée du « capitalisme de la surveillance » depuis la Silicon Valley dans tous les secteurs de l’économie. Enfin, dans « L’apocalypse numérique n’aura pas lieu », Guy Mamou-Mani fait le point sur une industrie numérique par et pour l’homme et propose une vision optimiste d’une société portée par l’innovation. Plus romancée : « Les Furtifs » d’Alain Damasio immerge le lecteur dans un futur proche où la technique a augmenté son pouvoir sur nos existences.

Autre thème de cette sélection d’ouvrages : l’information. « Ces cons de journalistes » d’Olivier Goujon. Celui-ci dresse un état de la presse et du métier de journaliste en 2019. L’auteur montre comment les nouveaux statuts précarisent des milliers de journalistes, comment la communication domine sur l’information, l’urgence sur la vérité, comment la loi entraîne de la censure. En outre, dans l’ouvrage « Comment s’informer », Sophie Eustache et Elodie Perrotin ont réalisé une enquête afin d’aider le lecteur à prendre de la distance face aux flux d’informations reçues chaque jour. Quant à « La civilisation du poisson rouge : petit traité sur le marché de l’attention » de Bruno Patino, il souligne les liens entre l’économie de l’attention et de nouvelles formes de servitude. Notre rapport aux médias et à l’espace public, est examiné par l’économie de l’attention qui préfère les réflexes à la réflexion et les passions à la raison.

Les derniers livres choisis traitent de sujets variés comme le temps, l’action et l’Asie. Ainsi, « Spending Time : the most valuable resource » de Daniel Hamermes décortique la manière dont les personnes utilisent leur temps et sur les motivations de leurs décisions. « How to Do Nothing » de Jenny Odell est, quant à lui, un programme d’action pour penser en dehors des ouvrages capitalistes d’efficacité et de techno-déterminisme. Enfin, « The Future Is Asian : Global Order in the Twenty-first Century » de Parag Khanna, révèle l’Asie de l’intérieur, racontant comment cette région entraîne des répercussions ainsi sur la planète entière. Bonne lecture !