NUMERIQUE ET ESPRIT CRITIQUE

NUMERIQUE ET ESPRIT CRITIQUE

Le traitement de l’environnement et de la santé par les réseaux sociaux, l’empreinte carbone du numérique et le développement de l’esprit critique : voici les thèmes de cette revue de web d’avril.

Des réseaux sociaux à l’empreinte carbone

Différents courants idéologiques s’expriment sur l’environnement dans les réseaux sociaux. Pour le site Internet de The Conversation, Albin Wagener, Chercheur associé à l’Inalco (PLIDAM) et au laboratoire PREFICS à l’Université Rennes 2, analyse la manière dont les opinions sur l’environnement ont fini par se structurer lors de ces cinq dernières années. Son rapport d’analyse de narratifs sur les réseaux sociaux concerne notamment les conversations en ligne, les commentaires produits sur les réseaux sociaux et les galaxies d’interactions sur Twitter.

Cette étude révèle l’existence de plusieurs réseaux d’opinions politiques sur des questions environnementales et climatiques. Ainsi, quatre familles politiques se sont distinguées par rapport à leur vision du climat au cours de ces cinq dernières années. La première famille de l’écologie libérale, compatible avec le système politique et économique actuel, présente des mesures écologiques adaptées à la réalité du capitalisme et à ses effets économiques, financiers et commerciaux. Ce positionnement est notamment soutenu par le gouvernement actuel, et forme l’axe directionnel de la politique climatique d’Emmanuel Macron.

La deuxième famille correspondant à l’écologie réformiste souhaite, quant à elle, modifier certains aspects du système politique et économique pour le rendre apte à intégrer les réformes écologiques nécessaires. Le Parti socialiste, Europe Écologie Les Verts et certains activistes tels que Cyril Dion, le Réseau Action Climat ou des personnalités politiques comme Benoît Hamon ou Pierre Larrouturou.

Par ailleurs, la troisième famille qui est celle de l’écologie radicale, veut changer totalement le système économique et politique pour réagir devant l’urgence climatique. Ce courant est représenté par des médias comme Mediapart et Reporterre, des mouvements activistes tels que Greenpeace et Attac, des économistes comme Thomas Porcher et Maxime Combes, ou le parti de La France insoumise.

Enfin, la dernière famille tient des discours anti-écologistes particulièrement diffusés au sein des sphères climatosceptiques, considérant que les exigences liées au climat sont incompatibles avec notre mode de vie, la réalité économique et nos habitudes culturelles. Elle est représentée par des personnalités comme Laurent Alexandre ou Gilles-William Goldnadel, des médias comme la journaliste Emma Ducros, l’animateur Mac Lesggy, Valeurs Actuelles et des représentants du Rassemblement national.

Selon Thierry Libaert, l’écologie n’est pas qu’une affaire de communication mais une réforme politique structurelle pour répondre à l’urgence climatique.

Au-delà de ces quatre familles politiques, d’autres causes apparaissent en marge des discours environnementaux, grâce à la sensibilisation à l’urgence climatique. Ainsi, pendant ces cinq dernières années, L214 et plusieurs acteurs médiatiques ont introduit la cause animale dans le débat public entre les questionnements éthiques et les nécessités écologiques. Cette nouveauté politique révèle que les discours politiques et les narratifs en émergence autour du climat remettent en question un nombre important d’habitudes sociales que la société juge comme « normales » ou « allant de soi ».

En outre, cette étude montre que les scientifiques rencontrent des difficultés à imposer des discours à la fois pédagogiques et audibles pour le grand public, et dont le monde politique pourrait s’approprier facilement.

Malgré les alertes du GIEC et les engagements des milieux activistes pour communiquer sur la situation, les personnalités scientifiques rencontrent des difficultés à structurer un narratif durable. Si des personnalités telle que Valérie Masson-Delmotte ont été particulièrement actives en France, notamment en raison de leur notoriété en lien avec le GIEC, elles sont des exceptions.

Ainsi, malgré l’information ponctuellement présentée par les grands médias concernant l’écologie, l’environnement et le changement climatique, la prise en considération de ces thématiques s’inscrit dans une approche événementielle : manifestations pour le climat, catastrophe climatique ou des études. Mais la faible narration dans le débat public résulte d’un manque dans notre pays de figures capables d’incarner le climat. Par ailleurs, des figures étrangères telles que Greta Thunberg sont souvent tournées en dérision et excitent le climatoscepticisme. Enfin, l’enjeu des prochaines années, sera de mettre en avant des figures pouvant retenir l’attention durablement des médias et de l’opinion sur ces questions.

Mais l’empreinte carbone du numérique est aussi à surveiller. Sur le site de Statista, Tristan Gaudiaut, Data Journaliste, montre que selon les études, l’écosystème numérique serait, responsable de 2 % à 4 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, soit jusqu’à près de deux fois plus que le transport aérien (avant le Covid-19). En France, un rapport publié au Sénat estime l’empreinte carbone du numérique à 15 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an, soit environ 2 % de l’ensemble des émissions nationales.

Si l’infographie de Statista s’appuie sur une estimation de l’institut allemand de recherche sur l’environnement (Öko-Institut), qui a chiffré les émissions moyennes par personne pour différents postes, ces calculs ont été effectués en Allemagne. Certaines données peuvent être influencées par des facteurs propres au pays, tels que la nature du mix électrique pour les émissions liées à l’utilisation. Mais cela montre la répartition de l’empreinte selon le type d’appareil et d’activités pour des populations ayant un niveau de vie et de consommation similaire.

Ainsi, la fabrication des appareils représente 40 % du total des émissions selon l’Öko-Institut.  Les émissions liées à la production proviennent, quant à elles, en particulier des produits chimiques employés pour l’extraction et le traitement des matières premières, de l’énergie nécessaire à la fabrication des semi-conducteurs.

Enfin, les émissions de gaz à effet de serre liées à l’emploi des appareils (environ 22 % du total) et au fonctionnement des centres de données (près de 30 %) sont, quant à elles, principalement dues à la consommation d’électricité. Celles-ci dépendent notamment du comportement des utilisateurs et de l’empreinte carbone de l’électricité consommée localement.

Désinformation et esprit critique

La désinformation concerne aussi des sujets relatifs à la santé. Pour le site Internet de The Conversation, Mathieu Nadeau-Vallée, Médecin anesthésiste à l’Université de Montréal, a constaté que lors du confinement, la plupart de la population consultait les différentes plates-formes de réseaux sociaux pour se divertir et s’informer. Or, parmi les multiples messages humoristiques, figuraient des vidéos accrocheuses, parfois conçues par des personnes se présentant comme des médecins prestigieux, insinuant que les vaccins à ARN messager contre la Covid-19 sont dangereux et détruisent les neurones.

Selon le médecin, l’analyse des études scientifiques est complexe. Cette difficulté d’interprétation de la littérature scientifique fondamentale conduit certaines personnes, dont des travailleurs de la santé, à partager de fausses nouvelles.

Bien que minoritaire, ces « experts » nuisent à la confiance du public vis à vis de la science et des professionnels de la santé. Le développement du regard critique pourrait, sauver des vies.

Comme dans le cadre du parcours de formation en médecine, il n’est pas enseigné pas la lecture et l’interprétation de la littérature scientifique en biologie moléculaire, en immunologie expérimentale, en génomique, ou celle liée aux processus de développement de médicaments. Selon Mathieu Nadeau-Vallée, cela expliquerait le fait que certains médecins partagent de fausses nouvelles. Mais ce phénomène est rare : les médecins concernés se font alors rappeler à l’ordre. Afin de réduire ce phénomène, l’expert pense qu’il est nécessaire d’enseigner davantage la science fondamentale à l’école de médecine.

Enfin, pour détecter la désinformation, il faut impérativement identifier les sources qui sont utilisées. Selon le médecin, la science doit être présente sur les réseaux sociaux.

L’esprit critique est donc un élément essentiel pour mieux appréhender la réalité. Lors de la Journée internationale de l’esprit critique, Universcience avait alors dévoilé les résultats de la première édition de son Baromètre de l’esprit critique. A l’occasion de cet évènement, les échanges entre les experts et les scientifiques invités ont été filmés et diffusés sur le réseau social YouTube. Le développement de l’esprit critique et son lien avec la démarche scientifique ont été l’objet de ces discussions.